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FOLIO DU BLANC-MESNIL
26 janvier 2024

L’écologie, bouc émissaire de la colère agricole Reporterre

Rousseau fnsea

Parmi les griefs des agriculteurs en colère, les « contraintes environnementales » sont montrées du doigt. Et si l’écologie n’était qu’un bouc émissaire, afin de ne pas s’attaquer aux réelles causes de la détresse agricole ?

C’est la goutte de pétrole qui a fait déborder le vase. Depuis deux mois, les agriculteurs sont vent debout contre la fin de l’avantage fiscal sur le gazole utilisé pour leurs engins. Entre temps, manifestations et blocages se sont multipliés et la liste des revendications s’est allongée. « Il y a un ras-le-bol général », expliquait Arnaud Gaillot, président des Jeunes agriculteurs sur France 2. Parmi les griefs, « les contraintes environnementales » sont régulièrement pointées du doigt.

Résultat, des institutions liées aux politiques écologiques ont été prises pour cible lors des mobilisations : explosion à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) à Carcassonne, dépôt de fumier et de pneus devant l’Agence de l’eau à Toulouse... « Les agriculteurs s’en prennent aux symboles de l’État, ils ont aussi bloqué des Directions départementales des territoires, observe la députée insoumise de la Seine-Saint-Denis et ingénieure agronome Aurélie Trouvé. C’est normal : on leur impose des normes sans les protéger. »

Pour tous les militants écolos et paysans que nous avons interrogés, pas besoin de tourner autour de l’abreuvoir : la cause principale de la détresse agricole n’est pas la transition écologique, mais bien le manque de revenus. « On n’est pas surpris par ce qui se passe, remarque ainsi Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. Le dénominateur commun à toutes ces mobilisations, la revendication qui revient tout le temps, c’est celle de la rémunération. Si on avait des prix de vente qui nous permettaient de vivre, on serait plus à l’aise pour faire face aux aléas climatiques et aux différentes crises sanitaires. »

« Beaucoup ont l’impression de faire ce qu’on leur demande et de ne pas s’en sortir »

« Ce ne sont pas tant les normes environnementales ou sanitaires qui sont dénoncées que le sentiment qu’il y a de plus en plus de normes alors même que les agriculteurs n’arrivent pas à vivre de leur travail », enchérit Aurélie Trouvé. Autrement dit, précise la députée, « on leur demande plus d’efforts mais on ne les protège pas des importations de produits qui ne respectent pas ces normes, on ne leur garantit pas des prix qui leur permettent de vivre correctement et de s’engager dans la bifurcation écologique ». À l’automne dernier, le gouvernement a ainsi refusé de financer l’agroécologie et il a balayé les 600 millions d’euros d’aides supplémentaires demandées en soutien à l’agriculture bio.

« Les agriculteurs ne s’en sortent plus, et c’est d’ailleurs pour ça que ce mouvement est si fort et spontané, qu’il dépasse même les organisations syndicales, constate l’eurodéputé écolo Benoît Biteau. C’est une question de survie. » Pour l’élu paysan, « beaucoup ont l’impression de faire ce qu’on leur demande et de ne pas s’en sortir. Sauf que ce qu’on leur a demandé de faire n’était pas la bonne chose ». Fallait-il industrialiser les fermes pour devenir compétitif sur le marché mondial ? S’agrandir toujours plus ?

Le même constat, pas la même analyse

En clair, écolos et agriculteurs en colère dressent le même constat d’un mal-être social et économique… mais n’en tirent pas la même analyse. « Je partage leur détresse et je considère que leurs revendications sont légitimes, mais ils n’identifient pas les bons responsables, estime ainsi l’eurodéputé. Accuser les écologistes alors que nous ne sommes pas au pouvoir… Nous, Verts, n’avons pas voté pour cette PAC [Politique agricole commune] qui ne bénéficie qu’à quelques-uns, nous n’avons pas voté pour les accords de libre-échange qui dérégulent les prix. »

Il pointe d’ailleurs un fossé grandissant entre les agriculteurs mobilisés et les directions nationales des syndicats agricoles majoritaires : « Ce que les agriculteurs dénoncent, ce sont les conséquences des politiques des gouvernements successifs, auxquels la FNSEA a toujours été associée. » Un avis partagé par Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne : « Il y a un détournement par les responsables syndicaux de la FNSEA, des JA et de la Coordination rurale des véritables raisons de nos difficultés, souligne-t-elle. Pour ne pas remettre en cause le système économique productiviste et ultralibéral défendu par ces syndicats, ils ont cherché d’autres responsables. » L’écologie a ainsi fait figure de parfait bouc émissaire.

« Une fuite en avant »

Tout le paradoxe est là. Face aux difficultés — sanitaires, économiques, climatiques — croissantes que rencontrent celles et ceux qui cultivent, « une partie du monde agricole se retrouve dans une fuite en avant, avec des solutions technicistes, néolibérales et de court terme », tranche Benoît Biteau, citant l’exemple des mégabassines. Autant de « fausses solutions », selon lui, qui ne feront qu’accentuer le problème.

Élus et militants de la cause paysanne tentent donc d’esquisser une autre piste de sortie, qui ne rimerait pas avec « moins d’écologie »« Des normes bien construites sont des mesures de protection contre le marché, insiste Laurence Marandola. Elles permettent de protéger la santé des agriculteurs, celle des consommateurs, de préserver le sol et l’eau, qui sont nos facteurs de production. » La Confédération paysanne pousse ainsi pour que l’exécutif s’attaque « aux réelles causes du problème : la mise en concurrence des agriculteurs les uns contre les autres ».

Plus de régulation, un salaire minimum...

Pour apaiser la colère du monde agricole, le syndicat minoritaire a donc ses solutions. « Le gouvernement doit stopper les négociations sur les accords de libre échange et revenir sur ceux signés précédemment, détaille Laurence Marandola. Il faut aussi interdire la vente de nos produits en dessous de leur prix de revient. » Même son de cloche au sein du collectif Nourrir : « Améliorer les minima sociaux, les retraites, faciliter les congés et l’accès au logement… tout ça peut sembler éloigné de l’écologie, liste Clotilde Bato, coprésidente du réseau. Pourtant, il faut que le bien-être social soit garanti pour que les agriculteurs puissent prendre ensuite soin du climat et de la terre. »

Plus de régulation, une meilleure rémunération, voire « un salaire minimum garanti »… autant de mesures défendues par les partis de gauche écologistes. « La gauche doit être aux côtés des agriculteurs, face à l’Europe néolibérale, à la Macronie et aux industries agroalimentaires, souligne aussi Aurélie Trouvé, en faisant le parallèle avec les Gilets jaunes. Tout ceci est compatible avec nos revendications écologiques. »

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