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FOLIO DU BLANC-MESNIL
14 décembre 2023

Immigration : Macron prisonnier volontaire de la droite . Alternatives Economiques

hervé nathan

Il aura donc fallu toutes les voix des oppositions pour mettre un coup d’arrêt à l’examen du projet de loi sur l’immigration : 270 députés (contre 265) se sont prononcés le 11 décembre en faveur d’une motion de rejet proposée par le groupe Ecologiste.

Hélas, le champagne n’aura pas eu le temps de sortir de sa bouteille, puisque dès le lendemain Emmanuel Macron non seulement refusait la démission du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, mais enjoignait au gouvernement de transmettre le projet de loi à une commission mixte paritaire (CMP). Ce faisant, le président de la République a peut-être signé l’acte politique le plus engageant de son mandat, et s’est constitué prisonnier volontaire de la droite, voire de l’extrême droite.

Pour comprendre, il faut éclairer le lecteur sur la commission mixte paritaire (CMP). Celle-ci est réunie lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat aboutissent à des versions divergentes d’un projet de loi. Elle doit alors concilier les deux textes pour parvenir à une version commune. Elle ne peut rien y ajouter.

Comme il n’y a pas de projet de loi issu de l’Assemblée, c’est donc uniquement sur la version du Sénat que la discussion aura lieu. Si l’on considère la composition de la CMP – sept députés et sept sénateurs dont cinq élus du camp présidentiel, quatre LR, deux socialistes, un centriste, un RN et un LFI – on ne peut que constater l’évidence : la CMP aboutira à un texte ressemblant fort au catalogue des mesures les plus autoritaires, voire liberticides, reprenant jusqu’à la phraséologie de l’extrême droite sur la préférence nationale, qu’avait adoptée la chambre haute.

Plutôt que de retirer le texte, le président de la République a donc fait le choix de chercher la sortie de crise en s’en remettant au bon vouloir d’une droite capable de surenchérir sur le Rassemblement national en lavant plus blanc que blanc1. Et Eric Ciotti, président du parti LR, qui se sait en position de force, d’avertir : « Le texte du Sénat est le seul que nous soutiendrons. »

Les contours du « compromis » qu’Elisabeth Borne prétend rechercher sont dévoilés sans honte par Gérald Darmanin dans la Voix du Nord, son quotidien préféré : « Il faudra que les LR soient raisonnables en retirant les articles inconstitutionnels [suppression de l’aide médicale d’Etat ou remise en cause du droit du sol]. Il faudra aussi que la majorité fasse un pas et accepte en partie ce qu’elle refusait hier. »

Traduisons : toute régularisation des travailleurs sans papiers serait exclue. Voire pire, puisque le Sénat avait explicitement introduit un article dit 4bis dans le but affiché de restreindre les marges de manœuvre des préfets dans l’application de la circulaire Valls, qui régit l’accès des travailleurs en situation irrégulière à un titre de séjour.

Non seulement un des buts initiaux du projet de loi « être gentil avec les gentils et méchant avec les méchants » ne serait pas atteint, mais le gouvernement et la majorité accepteraient de faire l’exact contraire : être méchant avec les gentils.

Ce n’est donc pas vers un armistice que le président de la République s’engage mais dans une reddition volontaire. Volontaire puisqu’il avait d’autres possibilités : retirer le texte purement et simplement, quitte à y revenir plus tard comme Lionel Jospin l’avait fait pour le PACS en 1998 ; changer le gouvernement pour réorienter la politique de la Nation avec d’autres objectifs que les obsessions sécuritaires et xénophobes de la droite ; ou encore dissoudre l’Assemblée pour redonner la parole aux citoyens…

Mais cela demanderait qu’Emmanuel Macron rompe avec ce qui le constitue, le libéralisme autoritaire. On peut compter qu’il ne le fera pas, même si ce chemin peut mener le pays dans les bras des nationalistes les plus dangereux...

 

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