Sandrine Rousseau à l'AN: "Le pouvoir d’achat. Quel titre alléchant ! Mais quelle anti phrase ! "

"Le pouvoir d’achat. Quel titre alléchant ! Mais quelle anti phrase ! Nous espérions que ce texte serait l’occasion unique de revoir notre modèle de consommation, de faire en sorte que nos dépenses contraintes diminuent, que nous encouragions avec force et vigueur, un autre modèle de consommation fait de moins de dépendance à l’énergie, mais plus de loisirs et de l’accès à des biens des services décarbonnés. Que vivent la culture, l’éducation et les loisirs et que meurent l’extractivisme, l’exploitation de sous traitants tout au long des chaines de valeurs, l’importation de produits venus de l’autre bout du monde et notre ébriété énergétique.

Parmi les mesures de pouvoir d’achat il y a de ne plus devoir payer des factures inutiles. Cela, vous en conviendrez, tombe sous le sens. Alors que la facture de gaz s’élève aujourd’hui en moyenne à près de 1500 euros par foyer, que le bouclier tarifaire va tomber rapidement, il serait d’utilité publique de lancer un grand plan d’urgence visant à diminuer notre besoin en gaz et pour cela il n’y a pas trente six solutions. Il faut que nos logements soient si bien isolés l’hiver que nous n’ayons quasiment plus besoin d’allumer les radiateurs, ce qui tombe très bien puisque l’isolation thermique en été nous permet d’avoir moins chaud sans climatisation. Mais pour cela il nous faut sortir d’un déni. Celui selon lequel la situation que nous vivons réverterait un caractère exceptionnel, transitoire. Qu’une fois passé ce cap alors tout reviendrait comme avant. Fermez les paupières braves gens, le marchand de pétrole et de gaz va passer. Alors je vais livrer ici un scoop : le temps de l’énergie peu chère et disponible en abondance est terminé. Il va nous falloir diminuer notre dépendance. Parler de sobriété donc. Je précise évidemment qu’il ne s’agit en rien de cette sobriété qui consiste à éteindre les lumières, de l’Elysée, à 23h mais d’une véritable transformation de nos modes de vie.

Mais bien sûr pour opérer ce changement nous devons protéger, protéger, et encore protéger et pour cela il n’y a qu’un moyen : prendre de l’argent aux entreprises climaticides, aux profiteurs de crise et aux plus riches, pour permettre à celles et ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose, de passer le cap dignement, mieux même, en relevant la tête. En un mot : taxer les riches. Bernie si tu nous entends.

En vérité je vous le dis cela était très simple : vous créez une taxe sur les profits exceptionnels et écocidaires d’un côté. Oui oui c’est possible, il suffit de le vouloir, on connaît les responsables ils s’appellent Total ou BP, Amazon, Aramco ou d’autres, Mickaël Correira en a même fait un livre. Et pour financer l’indexation des allocations sociales sur l’inflation, ce qui serait le minimum, là encore pas besoin de grande révolution mais d’un impôt sur la fortune, donc d’une redistribution, vous savez celui que vous avez supprimé au titre du ruissellement.

Alors bien sûr dans votre loi il y a bien une prime. Pas d’augmentation du smic, ça non. Une prime qui va permettre de laisser au bon vouloir des chefs d’entreprises le fait de la distribuer – ou pas - et qui choisiront à qui la distribuer.

Enfin bien sûr ces primes sont incitées via l’exonération de cotisations sociales, ce qui, vous en conviendrez, est problématique puisque cela fragilise de manière importante notre protection sociale. A un moment où pour assurer l’essentiel, il nous faudra la santé, des hopitaux, une retraite, une assurance chômage… . Mais c’est vrai tels des disques rayés vous répétez en boucle « travailler plus pour gagner plus ». Ca fait 15 ans et c’est toujours le même disque.

Et comble du comble du comble, du bla bla bla ce projet de loi pouvoir d’achat contient la construction d’un terminal méthanier permettant l’importation de gaz de schiste américain, tout en appelant l’article concerné « souveraineté énergétique », la bonne blague !Il contient aussi la possibilité de réouverture des centrales à charbon, lesquelles émettent pas moins de 1058g de CO2/kwh. Sortir des fossiles nous disait la main sur le cœur la première ministre. Souveraineté clame ce projet de loi. Feu tout cela ce que nous allons faire concrètement est d’augmenter notre dépendance énergétique aux États unis et mettre les ménages américains vivant sur les zones d’exploitation de gaz de schiste dans une sacré situation puisque ils ne pourront plus ouvrir leur robinet sans craindre l’incendie de leur maison.

Par contre il manque des choses dans ce projet de loi :
Forfait mobilité durable ? Irrecevable.
Encadrement des loyers ? Irrecevable.
Prolongation de la trêve hivernale pour lutter contre l’expulsion ? Irrecevable.
Allocation d’autonomie ? Irrecevable.
TVA écolo ? Irrecevable.
Rénovation accélérée des logements ? Irrecevable.
Augmentation du SMIC ? Irrecevable.

Ce projet aurait du se nommer quelques miettes et beaucoup de carbone, il eut été mieux nommé. Parce que l’extinction de notre société fondée sur le carbone est proche, il nous faut la rébellion contre ce projet de loi qui ne fait qu’accélerer la machine folle de la croissance carbonée dans laquelle nous sommes."