Philosophe, sociologue, historien, humaniste : Edgar Morin fête ses 100 ans, ce 8 juillet. Comment a-t-il vécu ce siècle ? De la Seconde Guerre mondiale à aujourd’hui, il n’a cessé de s’engager, de penser. Retour sur cinq prises de position de ce célèbre penseur.

Edgar Morin fête, ce jeudi 8 juillet, ses 100 ans.Edgar Morin fête, ce jeudi 8 juillet, ses 100 ans. © AFP / Bertrand GUAY

Né en 1921, Edgar Morin a traversé des guerres, des crises, des controverses. Il a été témoin mais aussi acteur d’un siècle d’histoire. Ses expériences lui ont permis de penser ces moments vécus. "Je suis surpris d'avoir dépassé les 90 ans, ça me semble totalement normal de continuer", proclamait-il il y a deux ans sur les ondes de France Inter. Encore récemment, il publiait “Leçons d’un siècle de vie”, mémoires de cent années vécues. Militant humaniste, communiste, écologique : retour sur cinq prises de position marquantes de cet enfant du XXème siècle. 

Résistant pendant la Seconde Guerre mondiale

Tout juste diplômé en droit et histoire, Edgar Morin rejoint la Résistance en 1942. Au côté des communistes, il adopte le pseudonyme "Morin". Il a alors 19 ans : “Nous vivions dans une sorte de temps mort : le monde se déchire dans les convulsions de la mort et de l'enfantement. Devant moi, un tunnel sans fin…” Le communisme est ainsi pour lui, un premier pas dans la réflexion politique. Edgar Morin voit en cette doctrine et la Résistance une forme de solidarité internationale qui ne le quittera plus. Pour autant, il s’éloignera du Parti communiste français dès les années 1949. Le jeune homme de l'époque sera exclu deux ans plus tard. 

Photo prise dans les années 70 du philosophe et sociologue Edgar Morin.

Militant d'une pensée humaniste et transdisciplinaire

Suite à son action dans la Résistance, la Libération ouvre la période de maturation de sa réflexion. Après des essais dans le journalisme, c’est à ce moment qu'Edgar Morin se tourne vers le monde intellectuel. Dans son livre "Autocritique", il revient ainsi sur ses réflexions politiques autour du communisme jusqu’à l’abandon de cet engagement politique. 

Il en profite alors pour développer son raisonnement scientifique autour de différents domaines (philosophie, sociologie, histoire) tout en gardant son âme militante. Il prône ainsi la "transdisciplinarité". C’est de là que naîtra la “pensée complexe”, concept créé par Edgar Morin lui-même.

Des positions sur le conflit israélo-palestinien qui font polémique

Depuis le début des années 2000, le penseur n'hésite pas à prendre position sur le sujet tabou du Moyen-Orient. Dans le journal Le Monde, il signe une tribune “Israël - Palestine : le cancer” aux côtés de Sami Naïr et Danièle Sallenave. "On a peine à imaginer qu'une nation de fugitifs issus du peuple le plus longtemps persécuté dans l'histoire de l'humanité, ayant subi les pires humiliations et le pire mépris, soit capable de se transformer en deux générations en peuple dominateur et sûr de lui et à l'exception d'une admirable minorité en peuple méprisant ayant satisfaction à humilier", écrivent-ils. 

Des phrases qui feront polémique, jusqu’à arriver devant la justice. Deux associations, "Avocats sans frontières" et "France-Israël", attaqueront les auteurs et l’autrice pour “antisémitisme”. Il faudra attendre quatre ans avant que la Cour de cassation estime cette tribune comme relevant de la liberté d’expression.

Une conscience écologique 

Le sociologue s’intéresse également à la question écologique. Dans la Terre au carré, en 2019, il raconte son voyage en Californie dans les années 70. Alors qu’il travaille avec des biologistes, il lit le rapport Meadows, l’une des premières études présentant les conséquences de l’humain sur l’environnement. C’est à ce moment qu’il prend conscience de l’urgence climatique

La nature n’est pas seulement ce qui nous enveloppe, nous environne, mais elle fait partie de nous [...] c’est très important de l’intégrer pour avoir cette conscience écologique dont nous avons besoin maintenant.

Depuis, il ne cesse de prendre la parole pour réclamer un changement du système. C’est dans cette idée qu’il fonde avec plusieurs personnalités le collectif Roosevelt en 2012. Ce groupe propose alors 12 réformes pour répondre à l’urgence climatique. 

Quel regard sur le monde d’aujourd’hui ? 

Au-delà de l’écologie, Edgar Morin prend également la parole dans d’autres débats politiques. En 2018, il qualifie Emmanuel Macron “capable d’audace et de transgression” dans une tribune du Monde. Le Président l'a d'ailleurs invité à l'Élysée, ce jeudi, pour son anniversaire. 

Mais le penseur continue à critiquer le système libéral. Tout en parlant de mouvements de “merveilleuse colère”, il blâme pour autant les gilets jaunes. Edgar Morin, lui, appelle à une convergence politique, écologique, sociale et économique.

Et puis, dernier coup de théâtre pour ce centenaire, la crise du Covid-19. "J'ai vécu des crises historiques multiples, mais là ça touchait l'individu dans ce qu'il a de plus personnel", expliquait-il au sujet du confinement et de la mortalité de la maladie. Aujourd’hui 100 ans, Edgar Morin n’est pas encore prêt à s’arrêter de penser. Il continue de partager ses réflexions... Même sur Twitter.