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FOLIO DU BLANC-MESNIL
26 avril 2024

Pour lutter contre la violence scolaire, la rhétorique autoritaire de Gabriel Attal

A nouveau, la rhétorique des discours tente de suppléer l’absence d’action et de moyens. A Viry-Châtillon, en annonçant son plan contre la violence scolaire, Gabriel Attal fait le choix de la répression pour masquer une incapacité profonde à améliorer la situation.

Paul DEVIN (avatar)

Paul DEVIN

Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

 

Les alertes ne manquent pas pour faire état de la dégradation de la situation scolaire. Quelles que soient les fonctions exercées, les signalements de situations de violence, de conflits, de tensions ne cessent d’augmenter. Parfois, ils prennent une tournure dramatique, parfois ils donnent l’illusion de se diluer dans la vie quotidienne, mais ils n’épargnent ni les élèves, ni les personnels.…
À Viry-Châtillon, Gabriel Attal a annoncé faire le tour des raisons de cette dégradation : parents n’assumant pas leurs responsabilités, addiction aux réseaux sociaux, individualisme, entrisme islamiste … mais il y une raison que le ministre a soigneusement écartée : celle de l’état dans lequel la politique néolibérale a conduit l’école, faute de moyens suffisants pour exercer ses missions.

Ainsi, le premier ministre nous assure que « la bataille de l’autorité se gagne dans les classes et dans les couloirs des établissements » mais continue à réduire le nombre de surveillants dans les collèges et les lycées. Il promeut le principe du « tu casses, tu répares » oubliant que dans certains établissements, c’est le manque d’investissements qui casse et ne répare pas ! Pour lutter contre l’oisiveté des jeunes dans la rue, il annonce que les adolescents seront désormais au collège tous les jours de la semaine de 8h à 18h … Avec quelques moyens ? Pour quelqu’un qui nous assure vouloir des mesures concrètes, force est de constater qu’il ne se préoccupe guère de la traduction matérielle de ses annonces !
Pour masquer la nature incertaine de ces mesures difficilement applicables, le premier ministre recourt à une série de poncifs dont l’expérience a pourtant déjà clairement montré que leur simplisme est loin de pouvoir répondre à la complexité des problèmes auxquels l’école est confrontée. Ainsi comment pourrait-on croire qu’édicter une norme comportementale pourrait construire les principes qui fondent le respect mutuel entre enseignants et élèves.  Souvenons-nous, Nicolas Sarkozy et Luc Chatel avaient déjà annoncé l’obligation pour les élèves de se lever à l’arrivée du professeur dans la classe…

Nul doute qu’il n’est pas acceptable que des adolescents puissent exercer leur domination sur leurs camarades par la violence. Nul doute qu’il faut cesser les coûteuses stratégies du « pas de vague » mais la seule alternative est-elle celle d’un « sursaut d’autorité » qui se fonde essentiellement sur des réponses répressives ?

Contre les parents
Une précaution oratoire a conduit le ministre a reconnaître que pour certains parents, notamment les femmes seules, il fallait seulement aider. Mais cela suppose un clivage binaire entre « des parents débordés qu’il faut aider et des parents qui n’assument par leurs responsabilités qu’il faut sanctionner ». La réalité de l’exercice des responsabilités est généralement plus complexe, mêlée de la difficulté des emplois précaires et des revenus indécents. Il en est de même dans les situations de conflits entre parents et école où les uns et les autres sont parfois victimes de la carence des moyens d’accompagnement (AESH) ou de remplacement.
Quant à la charte des droits et obligations dont le non-respect pourrait être passible de sanctions pour les familles, on imagine difficilement pouvoir donner un pouvoir de sanction pénal à l’administration scolaire. Et s’il s’agit d’infraction aux obligations d’assiduité, rappelons que les outils existent déjà et qu’il suffirait à la ministre d’en imposer les usages par circulaire. Enfin, la charte sera-t-elle un engagement unilatéral ou l’Education nationale s’y engagera-t-elle à respecter ses obligations de continuité en cas d’absence d’un enseignant et d’égalité pour assurer la présence de médecins scolaires, d’infirmières et d’assistantes sociales sur l’ensemble du territoire.

Contre les élèves
Déjà imaginer des conseils de discipline au primaire suppose un nouveau renoncement à l’idée que l’enfant doit pouvoir bénéficier avant tout de mesures de protection. Nous ne cessons de régresser sur l'affirmation démocratique d'une primauté de l'éducation pour les mineurs. Mais le paradoxe absolu est de vouloir que les mesures disciplinaires prises puissent affecter l’avenir scolaire en menaçant la réussite à un examen ou l’accès à une université ! 

 La lutte contre les violences à l’école est une nécessité impérative. Mais puisqu’il s’agit, aux dires du ministre, de faire « concret et simple »… la première étape est de comprendre que pour construire chez les élèves les valeurs qui guideront leur renoncement à la violence, c’est la relation humaine qu’il convient de développer dans les établissements et qu’elle nécessite les moyens. Aucune réponse éducative satisfaisante ne pourra être faite dans un contexte où l’insuffisance des moyens laisse à peine la possibilité d’organiser le strict nécessaire.

 

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