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FOLIO DU BLANC-MESNIL
5 octobre 2023

Combien y a-t-il vraiment d’accidents du travail en France ? Bastamag

accidents du travail logos

Le gouvernement a lancé le 25 septembre une campagne de prévention des accidents du travail graves. Pour Philippe Saunier, syndicaliste CGT, une première chose à faire serait déjà de vraiment comptabiliser la totalité des accidents, sans camouflage.

C’est une bêtise de dire qu’il y a plus d’accidents du travail en France que dans les pays voisins. La comparaison avec les autres pays européens est ridicule, parce que dans les autres pays européens, ils en déclarent moins. En Pologne, par exemple, ils ne publient aucun chiffre.

Portrait de Phillippe Saunier
Philippe Saunier
Syndicaliste CGT, ex-opérateur à la raffinerie Total de Gonfreville, auteur du livre Santé au travail et lutte des classes (Syllepse, 2023).

Ajoutons qu’en France aussi, les chiffres officiels sont faussés. Les chiffres des accidents du travail qui font référence sont ceux, officiels, du régime général de la Sécurité sociale. Mais on n’a en fait que ces chiffres, qui ne concernent que les deux tiers environ de la population laborieuse, ceux du privé qui sont au régime général de la Sécu.

Pour les fonctionnaires, qu’il s’agisse de la fonction publique hospitalière, d’État ou des collectivités locales, il n’y a pas de données. On y estime le nombre d’accidents du travail en extrapolant les chiffres du régime général du privé.

Enfin, il y a des catégories pour lesquelles on n’a aucune comptabilisation des accidents, comme celle des travailleurs détachés. Il y a ensuite les travailleurs indépendants, d’Uber et autres, qui éventuellement se prennent une assurance privée, mais en général ne le font pas. Donc, pour eux non plus, il n’y a pas de comptabilisation des accidents du travail. Pour les travailleurs et exploitants agricoles qui dépendent de la Mutualité sociale agricole, on ne trouve pas les chiffres non plus.

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En résumé, en France, la comptabilisation des accidents du travail n’existe pas. Les chiffres qu’on a ne correspondent pas à la réalité. Il y a des politiques de camouflage, qui concernent même quelquefois les accidents mortels.

Une combine des employeurs, c’est par exemple de faire passer les accidents du travail pour des accidents de trajet. Ils sont gérés à peu près de la même façon pour les indemnisations, mais ne sont alors pas comptés comme accidents du travail.

« Plus tu es précaire, plus tu vas avoir de pression pour ne pas déclarer un accident du travail »

On connaît bien aussi le chantage pour les intérimaires. Ceux qui déclarent un accident du travail vont être « blacklistés ». Plus tu es précaire, plus tu vas avoir de pression pour ne pas déclarer un accident du travail, et en même temps, plus tu vas être exposé.

On n’a pas en France de vision honnête et exhaustive en matière d’accidents du travail ni de maladie professionnelle professionnelle d’ailleurs. Il existe simplement un registre national des mésothéliomes [une forme de tumeur] qui sont quasiment tous d’origine professionnelle [Le seul facteur de risque avéré du mésothéliome est l’exposition à l’amiante]. Ce registre renseigne aussi la profession des personnes touchées.

Couverture du livre Santé au travail et lutte des classes
Santé au travail et luttes des classes, Philippe Saunier, (Syllepse, 2023).

En matière de maladies professionnelles aussi, les comparaisons entre pays ont peu de sens. Car les pays ne déclarent pas les mêmes maladies comme professionnelles. Quand on met le projecteur sur quelque chose, on en trouve, et quand on ne le met pas, on n’en trouve pas.

Par exemple, le cancer du larynx lié à l’amiante n’a pendant longtemps pas été reconnu comme une maladie professionnelle en France. Donc il y avait forcément zéro cancer du larynx d’origine professionnelle comptabilisé. Alors que dans le même temps il était reconnu comme maladie professionnelle en Belgique, donc, là-bas, on avait un chiffre.

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Aujourd’hui, les nouveaux effets d’annonce du gouvernement sur les accidents du travail sont le résultat d’une mobilisation engagée depuis longtemps, à la CGT et plus largement. Mais ces dernières années, on n’a pas vu la réglementation du travail s’améliorer. C’est plutôt le contraire qui a été fait, avec la disparition des CHSCT [Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail].

 SUR LE MÊME SUJET
  • « On serre les dents, parfois ça casse » : ces accidents du travail non déclarés dans le BTP

La première chose à faire pour mieux prévenir les accidents du travail, ce serait de rétablir les CHSCT. Il faudrait aussi que les employeurs qui camouflent les accidents du travail soient condamnés, et que l’inspection du travail ait des effectifs suffisants.

Philippe Saunier

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