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FOLIO DU BLANC-MESNIL
29 août 2023

Rentrée scolaire : à droite toute ! par François DUBET, sur AlternativesEconomiques

LE 28/08/20236 min

françois dubet

Il y a d’abord le style monarchique de l’entretien accordé par le président Emmanuel Macron au Point. Le Prince élu ne se limite pas à donner une vision, il reprend tous les poncifs conservateurs et entre dans les détails des programmes et des horaires, réduisant ainsi le ministre de l’Education au rôle de super-recteur, et les syndicats et le parlement, à rien.

Il y a ensuite l’interview de Gabriel Attal sur TF1 dimanche soir, qui va dans le sens du président de la République, tout en nuançant un peu ses propos mais en ouvrant une querelle prévisible sur l’interdiction de l’abaya : défense de la laïcité ou islamophobie ?

Alors que Jean-Michel Blanquer incarnait une droite « techno » relativement brutale, soucieuse de mettre l’école française « au niveau » en s’inspirant des comparaisons et de l’expertise internationale, Emmanuel Macron déploie une vieille rhétorique appelant le retour à l’ordre et à l’autorité. Depuis trente ans, l’ennemi, c’est d’abord le « pédagogisme », le règne supposé des méthodes libertaires et obscures contre les bonnes vieilles méthodes de naguère. Or, depuis trente ans aussi, rien ne prouve que ce règne existe.

Toutes les comparaisons internationales montrent au contraire que l’école française reste extrêmement traditionnelle, obsédée par les leçons, les notes, les contrôles et les classements. Elles montrent aussi que notre école est extrêmement inégalitaire, reproductive, et que les élèves y ont particulièrement peu confiance en eux. Bien des écoles moins injustes et plus efficaces que la nôtre sont nettement plus « pédagogiques » ; il est vrai que les enseignants y sont mieux formés.

L’histoire et la nation

Autre homme de paille dénoncé par le président : les programmes d’histoire, qui auraient brisé le récit national républicain en détruisant la chronologie. Or la chronologie est aujourd’hui au cœur des programmes, même s’il est vrai que ces derniers autorisent aujourd’hui des critiques et l’expression de points de vue que la théologie républicaine interdisait.

Mais comment croire à la seule force des images d’Épinal quand l’école n’a plus le monopole de la transmission ? Quand les élèves passent plus de temps devant leurs écrans que devant le tableau noir ? Quand la nation n’est plus exactement ce que l’on croyait au bon temps des colonies ?

Rien de surprenant, après tout : nous avions eu droit, il y a quelques mois, à la nostalgie élyséenne du bon temps des jupes plissées, l’uniforme des établissements catholiques de naguère. Le plus simple est de faire comme si la société française était toujours celle de Jules Ferry ou comme si elle devait le redevenir.

L’école doit former des citoyens, et à cette fin le président propose d’ajouter une heure hebdomadaire d’instruction civique à partir de l’étude de grands textes. Mais il faut rappeler que les élèves français ne manquent pas d’instruction civique ! Tout le problème vient du fait que ces leçons ne sont pas aussi efficaces qu’on l’imagine.

Les élèves savent que le racisme et le sexisme ne sont pas acceptables, mais il suffit d’observer une cour de récréation au collège pour voir que l’adhésion à ces valeurs n’a pas toujours beaucoup d’impact sur les pratiques et la vie quotidienne. Aujourd’hui, les valeurs s’apprennent moins par des leçons que par des expériences communes, par le dialogue et par l’exercice de droits et de devoirs à hauteur d’élève.

Mais la droite a toujours eu du mal avec l’éducation démocratique alors que les enseignants se sentent souvent désarmés par les questions et les attitudes des élèves qui ont pourtant suivi les cours et les modules « citoyenneté », « égalité », « laïcité »… Les établissements qui ont brûlé au mois de juin dernier n’ont pas été protégés par les leçons de citoyenneté. Il n’est pas exclu que la distance entre les leçons de civisme et l’expérience ordinaire des élèves ait contribué à mettre le feu.

L’école pour les uns, les vacances pour les autres

Bien sûr, le président veut aider les élèves les plus faibles. Cela va de soi. Mais ni lui ni son ministre de l’Education ne disent un mot de la structure même des inégalités scolaires.

Pas un mot des Indices de position sociale (IPS) des établissements qui montrent que riches et pauvres sont séparés à l’école par l’effet conjugué de la carte scolaire et des choix éclairés des familles qui préfèrent les inégalités pour leurs enfants. Pas un mot sur la place de l’enseignement privé où, là aussi, Pap Ndiaye a été lâché en rase campagne.

Plutôt que d’accroître la mixité sociale à l’école, le président voudrait que les élèves les plus faibles aient plus d’heures de cours et plus d’heures de rattrapage. Non seulement les pauvres auront moins de vacances (ce qui est déjà le cas de leurs familles), mais on fait comme si la multiplication des dispositifs de soutien depuis quelques dizaines d’années avait eu les effets escomptés. Or, les évaluations du ministère elles-mêmes montrent que les ZEP, les REP et les REP+ n’ont guère permis de combler les écarts.

Le président a sans doute raison de vouloir revoir le calendrier scolaire, mais dans ce cas suggérons-lui de revenir sur les vacances d’hivers qui permettent à une petite minorité d’aller skier, pendant que les autres les regardent partir. Ne rien toucher au système tout en aidant un peu les pauvres, c’est ça la vraie droite « généreuse » !

Et pendant ce temps...

Tout en fermeté, le style monarchique n’empêche pas d’avoir cédé à la campagne raciste orchestrée par CNews contre Pap Ndiaye. Le ministre n’a pas été attaqué sur ce qu’il a fait ou n’a fait, mais sur ce qu’il est : un Noir supposé incompétent, woke et communautariste. Le président a lâché son ministre pour complaire à la droite la plus dure.

Il est vrai qu’il joue sur du velours. La nostalgie de l’école républicaine est toujours politiquement rentable, pendant que la gauche ne dit rien depuis longtemps, sinon qu’il faudrait plus de moyens pour continuer à faire plus ce qui ne marche déjà pas.

Pourquoi Marine Le Pen aurait-elle besoin de parler quand d’autres le font si bien pour elle ? A commencer par le Président lui-même, pendant que la gauche de la gauche lui fournit suffisamment de caricatures, à l’exemple de l’invitation du rappeur Médine aux journées d’été des Ecologistes et de la France insoumise, pour que la petite musique réactionnaire s’impose comme une évidence.

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