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FOLIO DU BLANC-MESNIL
20 février 2023

Pourquoi les paniers anti-inflation n'amélioreront pas votre pouvoir d'achat. Journal l'Humanité

 

avec l'humanité

En mars et pour quatre mois, l’exécutif entend mettre en place ses paniers anti-inflation en invitant la grande distribution à commercialiser une référence à prix bas dans 50 familles de produits. Un cadeau à l’industrie agroalimentaire qui n’améliorera vraisemblablement pas la vie des Français. DÉCRYPTAGE.

Publié le
Lundi 20 février 2023
Deux ans après la loi Egalim, les prix des produits de grandes marques, mais aussi les premiers prix, ont bondi de 10 %. ©Kermalo/Rea
Deux ans après la loi Egalim, les prix des produits de grandes marques, mais aussi les premiers prix, ont bondi de 10 %. ©Kermalo/Rea

Cent cinquante produits U à prix coûtant, « parce que vos dépenses augmentent, on a décidé de gagner trois fois rien sur 150 produits ». Bigre. L’enseigne Système U s’intéresserait-elle donc sérieusement au porte-monnaie des plus précaires ?

Alors que l’inflation sur l’alimentaire atteint des chiffres affolants (13,2 % ), certaines grandes surfaces s’empressent de devancer le panier anti-inflation du gouvernement attendu le mois prochain pour une durée de quatre mois.

Pas un fruit, ni un légume dans les paniers anti-inflation du gouvernement

Vingt produits pour 20 euros dans les Franprix, 130 prix qui ne bougeront pas jusqu’en mai à Carrefour… Seulement voilà, à y regarder de plus près, comme l’a fait l’UFC-Que choisir, le contenu alimentaire du panier pose question. L’association de défense des consommateurs a passé au peigne fin ces fameux produits U à prix coûtant. On y retrouve du pastis, de la vodka, du sirop, des chips ou encore des sodas. Pas un fruit ni un légume. Selon l’UFC, 39 % des produits Nutri-score affichent un résultat médiocre, voire mauvais.

Un avant-goût de ce qui nous attend en mars ? La ministre déléguée au Commerce, Olivia Grégoire, entend « faire en sorte que les Français puissent avoir, sur un panier du quotidien, des prix attractifs ». Car certains articles – surtout de marque – pourraient afficher des hausses de 40 %, avance 60 Millions de consommateurs, qui évoque « 45 % de Français fragilisés » et « trois millions qui ne s’en sortent plus du tout ».

Alors, à travers un panier anti-­inflation, l’exécutif assure vouloir protéger le budget des ménages. Jusqu’à présent, la liste précise des 50 références concernées n’est toujours pas connue. Elle devrait passer par des engagements volontaires des enseignes, et non pas par des dispositifs législatifs. « Ce n’est pas au gouvernement de fixer les références », expliquait Olivia Grégoire sur Europe 1.

Une remise au goût du jour du « panier des essentiels »

En clair, les produits seront classés dans cinq grandes catégories : hygiène, propreté, frais, surgelés et épicerie, mais chaque enseigne sera libre d’établir sa liste comme bon lui semble. « Une réelle mauvaise idée, plus proche de la farce que d’autre chose », s’exclame Alain Bazot.

Le président de l’UFC-Que choisir rappelle au passage qu’il s’agit ni plus ni moins d’une remise au goût du jour du « panier des essentiels » instauré en 2011 par Frédéric Lefebvre, alors secrétaire d’État chargé de la Consommation, qui s’était soldé par un échec retentissant. « Cinquante références, c’est très insuffisant pour répondre à la grande diversité des besoins des différents types de consommateurs », estime Olivier Andrault, chargé de mission agriculture-alimentation pour l’association de consommateurs.

« Il n’y a pas d’engagement sur une absence d’évolution des prix, ni sur le niveau de comparabilité entre produits, tacle-t-il. Sans définition réglementaire de prix cassés, les enseignes pourront monter en épingle des produits présentés comme un magnifique engagement de leur part, alors que leur prix n’aura pas baissé. »

Un nombre croissant de personnes recourent au secours populaire français

Mais ce qui chagrine davantage l’association, c’est que « le gouvernement fait mine de s’acheter une bonne conscience en prétendant être à l’œuvre pour trouver des solutions concrètes afin de répondre à la problématique des prix en rayons qui explosent, alors même que, parallèlement, en souhaitant prolonger l’expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP), il braque le pouvoir d’achat des consommateurs », s’indigne Alain Bazot.

 

 

Pis, il braque celui des plus modestes, puisque l’obligation qui est faite aux distributeurs de réaliser depuis 2019 un minimum de 10 % de marge sur les produits alimentaires frappe durement les produits de premier prix, sur lesquels les marges étaient historiquement les moins élevées. Cette disposition contenue dans la loi Egalim, votée en 2017 et mise en place deux ans plus tard, était censée, dixit le gouvernement, défendre le revenu agricole.

« L’idée était de définir une marge minimale obligatoire au niveau de la grande distribution, précise Olivier Andrault. Mais il n’y a aucun lien mécanique, aucune logique, entre le fait que la grande distribution passe à un niveau de marge minimal et la redescente de cet argent vers l’agriculteur. » De fait, deux ans plus tard, Egalim n’a eu aucune répercussion sur les revenus agricoles.

Les  prix bondissent de 10 %... et Carrefour réalise un bénéfice net en hausse de 26%

Et l’UFC a calculé que son impact inflationniste a été de l’ordre de 1,6 milliard d’euros. Conséquence : les prix des produits de grandes marques, mais aussi les premiers prix, ont bondi de 10 %. « On marche sur la tête, tempête Olivier Andrault. La loi Egalim, plutôt que d’être supprimée, vient d’être prolongée. En situation d’inflation agroalimentaire gigantesque, le gouvernement n’a pourtant aucune raison de pérenniser ce cadeau à la grande distribution. »

D’autant que cette dernière ne s’est jamais mieux portée. Carrefour, le numéro deux français de la distribution, après Leclerc, a réalisé un bénéfice net en hausse de 26 % l’an dernier, à 1,35 milliard d’euros, contre 1,07 en 2021, pour un chiffre d’affaires en hausse de 16 %, à 90,8 milliards d’euros.

En attendant, l’augmentation des prix force les consommateurs à changer leurs habitudes et à procéder à des arbitrages douloureux. Ils sont de plus en plus nombreux à franchir la porte des libres-services alimentaires de la solidarité du Secours populaire français (SPF). L’association a soutenu deux millions de personnes en 2021 et constate une augmentation des demandes d’aide de 30 à 50 % dans certains territoires.

 

Selon Nicolas Champion, chargé de l’aide alimentaire pour le SPF, « le système européen d’aide alimentaire (SEAA) dont nous bénéficions est très insuffisant pour répondre à la demande croissante de personnes les plus modestes ». L’association a obtenu 8 millions d’euros pour combler les manques dus à l’inflation. Il lui faudrait au moins la même somme en 2023 pour s’approvisionner en quantité.

Aider les associations comme le SPF ou encore supprimer la loi Egalim… En prenant de telles mesures, le gouvernement français pourrait rendre réellement du pouvoir d’achat aux consommateurs. Alain Bazot ne décolère pas : « Qu’il commence par mettre fin à des mesures inflationnistes, plutôt que de faire diversion avec un dispositif pipeau. »

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