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FOLIO DU BLANC-MESNIL
7 mars 2018

Médiapart | Europacity bute sur un nouveau revers judiciaire

EuropaCity bute sur un nouveau revers judiciaire
PAR JADE LINDGAARD
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 7 MARS 2018


Visualisation d'une rue d'EuropaCity (extraite du dossier du maître d'ouvrage). Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l’arrêté autorisant la création de la zone d’aménagement concerté du « triangle de Gonesse », où doit être construit EuropaCity. Mais l’immense centre de commerces et de loisirs n’est pas abandonné et son promoteur compte déposer un permis de construire début 2019.


Une gifle judiciaire qui prend l’allure d’un revers politique : le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, mardi 6 mars, l’arrêté préfectoral autorisant la création de la zone d’aménagement concerté (ZAC) du « triangle de Gonesse », où doit être construit l’immense centre de commerces et de loisirs EuropaCity.


Le jugement met en cause l’insuffisance de l’étude d’impact conduite dans le cadre de l’enquête publique concernant plusieurs points importants : quelle
source d’approvisionnement pour les énormes besoins en énergie de la ZAC – estimés de 29 à 82 gigawattheures (GWh) par an ? Quelles incidences de
son fonctionnement sur la qualité de l’air et la quantité de CO2 émise par les déplacements des touristes qui s’y rendraient, par route et par avion (l’aéroport de Roissy est tout proche) ? Autre manquement : l’étude d’impact n’a pas assez étudié les effets environnementaux cumulés des travaux de la future ligne 17 du Grand Paris Express, alors que ces deux projets sont intrinsèquement liés puisque, sans transport en commun, le triangle de Gonesse ne peut être aménagé.


Par conséquent, le tribunal juge que « les insuffisances de l’étude d’impact ont nécessairement, par leur importance et leur cumul, été de nature à nuire
à l’information complète de la population et à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ». Cette décision remet en cause la  réalisation du projet EuropaCity, qui ne peut exister que si le triangle de Gonesse, aujourd’hui recouvert de terres agricoles, est ouvert au bétonnage. Pour autant, il ne l’abroge pas.


Joint par Mediapart, le directeur du développement du grand projet controversé, David Lebon, affirme que la décision « ne change rien à notre détermination à faire le projet ». Pour Thierry Lajoie, directeur général de Grand Paris aménagement, l’aménageur public de la zone : « Nous sommes au temps des procédures et non du projet. Il est normal que certains recours prospèrent. Nous considérons comme profondément légitime qu’il y ait des controverses. »


Sur le fond, le principe de l’aménagement des 280 hectares du triangle de Gonesse n’est pas invalidé par le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Cette situation rappelle la décision du tribunal administratif de Paris, annulant la fermeture à la circulation des voies sur berge de la capitale en
raison des insuffisances de l’étude d’impact, et non sur le principe même de l’interdiction des véhicules. Mais cette décision fait suite à toute une série
d’évaluations négatives ou critiques du projet d’urbanisation du triangle de Gonesse : avis de l’Autorité environnementale (sur le PLU de Gonesse et la ZAC), avis défavorable de la Commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), opposition de la chambre d’agriculture régionale.


Aucun de ces documents n’est juridiquement contraignant. Mais l’accumulation d’évaluations négatives porte atteinte au crédit du projet. À ce jour, parmi les potentiels clients de la ZAC, seul le projet d’EuropaCity – prévu sur 80 hectares – a été rendu public (lire ici notre enquête sur les enjeux économiques de l’aménagement du triangle de Gonesse). En 2017, l’Autorité environnementale avait rendu un avis réservé sur l’aménagement du triangle de Gonesse. Et avait, en janvier 2018, dénoncé les lacunes importantes de l’étude d’impact de la création de la ligne 17. Reste à savoir quelle va être la réaction de l’État sur ce dossier sensible : faire appel de la décision du tribunal administratif et poursuivre le projet d’aménagement du triangle de Gonesse ? C’est le scénario le plus logique. Le cas échéant, demander que l’appel soit suspensif ?

« Les terres agricoles seront mangées »


Situé au nord de Paris, entre les aéroports de Roissy et du Bourget, le triangle de Gonesse s’étend sur 700 hectares de terres agricoles, cultivées aujourd’hui de façon intensive. Elles sont considérées parmi les terres les plus fertiles d’Île-de-France. On y faisait autrefois pousser le blé destiné à fabriquer le pain des Parisien·ne·s.


En 2013, le schéma directeur de la région Île-deFrance (Sdrif) a limité l’urbanisation de la ZAC à 300 hectares au maximum, afin de préserver un carré agricole de 400 hectares. C’est sur cet espace qu’EuropaCity doit sortir de terre. Portée par Immochan, la filiale immobilière d’Auchan, cette galerie de boutiques, d’hôtels et d’activités de loisirs est un des plus grands projets d’aménagement de la région Île-de-France. Le préfet du Val-d’Oise a signé l’arrêté de création de la ZAC en septembre 2016, après l’organisation d’un débat public et d’une mise en consultation – mais pas d’une enquête publique stricto sensu, qui s’est tenue dans un second temps.


Le report à 2027 de la construction de la station Triangle-de-Gonesse de la ligne 17 du Grand Paris Express oblige le projet à décaler son ouverture. Initialement prévue en 2024, en même temps que les Jeux olympiques, celle-ci pourrait être également programmée en 2027. Le groupe envisage aussi une entrée en service phasée à partir de 2024, pour une partie seulement du projet. « La pression administrative s’est beaucoup relâchée avec le report du métro », explique David Lebon, pour qui les conséquences de l’annulation de la ZAC par le tribunal administratif « sont assez faibles »Le permis de construire d’EuropaCity pourrait être déposé dès le premier trimestre de l’année prochaine, précise son directeur du développement. La déclaration d’utilité publique de la ligne 17 est définitive. Or « ce qui permet l’aménagement, c’est la gare », affirme-t-il. « La gare se fera. Il y aura un
quartier autour. Les terres agricoles seront mangées. » Des travaux de fouilles archéologiques viennent de commencer sur les hectares du triangle, une étape préalable obligatoire à toute construction, alerte le Collectif pour le triangle de Gonesse (CPTG), l’une des associations requérantes, qui dénonce ce « passage en force et gaspillage d’argent public ». Des opposant·e·s à EuropaCity plantent des semis sur le triangle de Gonesse en mai 2017 (JL) L’expérience de Notre-Dame-des-Landes pourrait inciter les porteurs du complexe commercial à plus de prudence : déclaré d’utilité publique dès 2008, le projet d’aéroport du Grand Ouest a finalement été abandonné par l’État en janvier dernier, alors même que tous les recours des opposant·e·s avaient été rejetés par la justice.


Pour Bernard Loup, pilier du CPTG : « La décision du tribunal administratif est un élément positif pour nous, Grand Paris aménagement va être obligé de revoir sa copie. La question est aussi : que va vraiment faire EuropaCity ? S’ils abandonnent, l’aménageur sera obligé d’abandonner son projet de ZAC. L’annulation de la ZAC casse la mécanique qu’ils ont voulu instituer d’avancée administrative pas à pas. » Plus de 3 500 personnes ont répondu à l’enquête publique sur la ZAC, close en février dernier : « Ça montre la mobilisation. »


Pour Thierry Lajoie, de Grand Paris aménagement : « Il y a une difficulté à faire coexister le code de l’urbanisme et celui de l’environnement. On nous demande, légitimement, de mesurer des impacts à très long terme, mais c’est très difficile. Comment mesurer l’impact d’un projet de métro à 15 ou 20 ans, alors qu’on vit dans un monde où les smartphones n’existaient pas il y a dix ans ? Il faut que les juristes nous disent quels sont les bons moyens de le faire. »

Dans une récente tribune publiée sur Mediapart, Françoise Verchère, coprésidente du CéDpa, le collectif des élus contre l’aéroport de NotreDame-des-Landes, appelle à la tenue de « débats publics enfin loyaux » : « Dans tous les conflits “environnementaux” en cours, les opposants ont participé activement au débat, écrit-elle. Ils ont produit contributions et dossiers, ils se sont informés et formés sur des sujets très techniques en mobilisant des arguments solides ; bien loin de ne défendre que leur intérêt immédiat et particulier, ils ont été force de propositions alternatives, trop souvent méprisées. Ils n’ont pas déserté les espaces de démocratie participative. Cela n’a pas suffi. Le gouvernement saura-t-il tirer les bonnes leçons de Sivens, de NDDL ? La concertation honnête est-elle vraiment importante à ses yeux ? »


Sur le triangle de Gonesse, comme à Bure ou pour le Lyon-Turin, les politiques d’aménagement du territoire se conduisent trop souvent à coups de passages en force et de mépris institutionnel pour les arguments des opposant·e·s. La mauvaise qualité des études d’impact est révélatrice de mauvaises pratiques démocratiques.



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