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FOLIO DU BLANC-MESNIL
2 septembre 2011

Ce que l’on ne vous dit pas sur le livre « Sarko m’a tuer »

Par Bruno Roger-Petit Chroniqueur politique Le nouvel Obs
Le livre « Sarko m’a tuer » recèle une part de vérité bien plus dérangeante encore que les suites de l’affaire Bettencourt.
Il dessine en creux un portrait psychologique du président de la République particulièrement inquiétant. C’est le principal enseignement de ce livre, sans aucun doute. Il fallait bien que cela soit dit quelque part. C’est fait.
Le problème des livres lancés avec super scoop à l’appui, c’est que le fracas médiatique que cela déclenche finit par faire oublier le livre lui-même et les enseignements qu’il apporte. Il faut souhaiter que ce funeste destin ne sera pas celui promis à l’ouvrage de Fabrice Lhomme et Gérard Davet, Sarko m’a tuer.
Depuis hier, il n’est question que des quelques lignes où la juge Prévost-Desprez fait état d’un témoignage hors procès verbal dans l’affaire Bettencourt, témoignage accablant pour Nicolas Sarkozy, et de la série de démentis, dénégations et protestations qu’il a engendrée. C’est dommage, car cela occulte ce qu’apporte ce livre à la compréhension des temps politiques que nous vivons.
 Barbouzerie
 Lorsque l’on referme cet ouvrage, on est sonné par l’incroyable avalanche de révélations. C’est une lecture violente. Non seulement la « barbouzerie » authentiquement Ve République, inventée lors de l’avènement du gaullisme, avec son cortège de coups tordus, de manipulations de l’opinion via la presse et d’entorses à la justice semble s’être perpétuée, mais elle se doublerait aujourd’hui d’une violence disproportionnée et inhabituelle, guère en adéquation avec les mœurs publiques d’un pays qui est sorti des drames nés de la Guerre d’Algérie en 1962.
 L’élimination politique (ou la tentative d’élimination) des opposants de l’intérieur, casse-pieds médiatiques, fonctionnaires rétifs, patrons gênants, policiers suspects et autres journalistes rebelles est un classique du régime né en 1958, une mauvaise habitude qui perdure depuis, mais ce que montre le livre de Davet et Lhomme, c’est que sous le règne de l’actuel président, ces pratiques s’accompagneraient d’une violence, d’un acharnement et d’un raffinement sadique qui vont bien au-delà de la « tradition » en la matière.
 Non seulement le président ferait disparaître de son champ de vision les importuns, mais pire encore, si l’on en croit les témoignages des uns et des autres, c’est une destruction totale de la personne qui serait recherchée : politique, sociale et psychologique.
 Lorsque l’on découvre ces récits, on finit même par estimer que le sort des disgraciés sous Louis XV était bien plus enviable. Après tout, même les plus insolents d’entre eux ne risquaient qu’une petite lettre de cachet avec un séjour de quelques temps à la Bastille, une sinécure à côté de ce que racontent ceux qui revendiquent l’étiquette Sarko m’a tuer. C’est dire.
 Violence
 C’est d’autant plus troublant qu’il n’y a pas que des saints dans la liste des plaignants présentés dans le livre. Mais quand on lit le témoignage d’Yves Bertrand, ancien patron des RG, pourtant peu suspect a priori de susciter spontanément la compassion et l’empathie, narrant un passage à tabac à valeur « d’avertissement » dont il aurait été victime en février 2011, on se prend à frémir. Si cela est vrai, oui, on ne peut qu’en frémir… De même, dans un autre registre, le témoignage du préfet de Corse viré, sanctionné et vilipendé parce que quelques zozos se sont égayés sur la pelouse de Christian Clavier laisse pantois. Une carrière brisée pour si peu ?
 C’est une bien étrange galerie que celle de ces « 27″ personnages revendiquant l’appellation contrôlée « victime de Sarko ». On y croise des personnages attendus (Dominique de Villepin, Patrick Devadjian), mais aussi surprenants (Aurélié Filipetti, députée PS ou Didier Porte) qui partagent tous le même point commun : du jour où ils s’en sont pris à la personne du président ou parce que celui-ci paraît avoir considéré qu’ils s’en prenaient à lui, leur vie a été bouleversée comme jamais. Et on a beau en suspecter quelques uns d’en rajouter un peu pour se pousser du col, genre Didier Porte, il est vrai que l’accumulation des 27 destins est troublante, et qu’à la place des intéressés, on finirait sans doute par nourrir les mêmes certitudes à l’égard du Chef de l’État, jusqu’à en devenir paranoïaque.
 De ce point de vue, l’histoire de Valérie Domain, la journaliste qui avait écrit un livre sur Cécilia Sarkozy, livre qui ne vit jamais le jour, est particulièrement éclairante, d’autant que ses ennuis ont commencé du temps où le président était ministre de l’Intérieur, en 2005/06. C’est du reste en parcourant ce chapitre du livre que le lecteur se dit qu’il aimerait bien, qu’un jour, le nouveau compagnon de l’ancienne épouse du président raconte aussi son histoire…
 Morale de l’histoire (sans Luc Chatel) : si ce que confessent les uns et les autres de leur(s) malheur(s) est vrai, au delà des polémiques du moment sur l’affaire Bettencourt, ce livre dessine en creux un portrait psychologique du président de la République particulièrement inquiétant. C’est le principal enseignement de ce livre, sans aucun doute. Il fallait bien que cela soit dit quelque part. C’est fait.
Auteur parrainé par Benoît Raphaël  Sélectionné et édité par Tristan Berteloot
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