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FOLIO DU BLANC-MESNIL
17 mars 2011

Nucléaire : comment Sarkozy a réitéré l'erreur des subprimes

Régis Soubrouillard - Marianne | Jeudi 17 Mars 2011

Catastrophes naturelles, crises énergétiques, krach financiers, à travers le drame de Fukushima se révèlent les risques assumés de la société post-industrielle. Entre produits financiers à hauts risques et risques nucléaires qualifiés d'acceptables, les caractères de risques que comportent les crises économiques générées par la finance internationale se retrouvent trait pour trait lors des catastrophes environnementales et leurs conséquences.

 

Les subprime ? Le nucléaire ? Un krach financier, une crise énergétique. Quoi de commun entre ces deux événements ? Rien, sinon qu’à travers l’installation de ces techniques modernes dans le village global, la période récente a encouragé le développement des risques et promu l’instabilité comme mode de fonctionnement global sous l’argument hautement fallacieux du « risque maîtrisé ».

La production des richesses est désormais intimement liée à une production de risques, comme la crise des subprime, en est l’illustration. Les crédits hypothécaires poussaient à un endettement démesuré puisque la hausse de la valeur des biens immobiliers poussait les banques à proposer de nouveaux crédits aux ménages déjà lourdement endettés…
A l’évidence, le facteur risque ne fut, a priori, pas assez pris en compte.

La question n’est dès lors plus de savoir s’il y aura crise ou pas. Mais plutôt « quand et où ». Les subprime frapperaient d’abord les Etats-Unis mais les répercussions seraient mondiales. L’économie suivrait nécessairement la finance. Fasciné par le modèle américain, Sarkozy rêvait de subprime à la française, des crédits hypothécaires rechargeables pour favoriser notamment l’accession à la propriété immobilière. Visionnaire, notre Président, alors candidat,  souhaitait tout miser sur le mécanisme des crédits à l’origine de l’effondrement de la finance américaine : « les ménages français sont aujourd’hui les moins endettés d’Europe. Une économie qui ne s’endette pas est une économie qui ne croit pas en l’avenir. C’est pour cela que je souhaite développer le crédit hypothécaire pour les ménages » déclarait le pompier-pyromane à la revue Banque en avril 2007.

Dans l'esprit, Sarkozy proposait indéniablement de pousser les banques à prêter aux plus pauvres. Le tout adapté aux normes françaises où l’accès au crédit est bien plus difficile qu’aux Etats-Unis. 

 

Une nouvelle société du risque

Empêché par un milieu bancaire -inspiré pour une fois- de mettre ses « menaces » à exécution, Sarkozy remballa ses funestes projets pour ne plus jamais employer l’expression « crédit hypothécaire ».

Longtemps l’Europe a cru pouvoir échapper à la crise des subprime,à la manière du nuage de Tchernobyl, feignant d’ignorer que le système ne sort pas de la crise. Il ne fait que la déplacer, nourrissant artificiellement la croissance à court terme en augmentant les capacités de crédit.

Ce caractère de risque que comportent les crises économiques générées par la finance internationale depuis 1929 se retrouve trait pour trait lors des catastrophes environnementales.
C’est notamment la thèse du sociologue Ulrich Beck, auteur de La société risque. Contrairement aux catastrophes naturelles de la société pré-industrielle qui étaient le fruit du « hasard », et aux dangers de la société industrielle -le résultat de décisions sociales et politiques mais qui sont toujours restés limités dans le temps et dans l’espace, et qui étaient perceptibles, prévisibles, contrôlables et assurables –, les risques de la société post-industrielle sont fabriqués socialement et présupposent la prise de conscience d’un danger dont la probabilité est prédictible et assumée comme telle mais contre lequel on ne peut ni s’assurer au sens financier du terme, ni se prémunir d’un point de vue humain.
La société construit le danger technologique qui la menace et les produits financiers qui feront tomber dans la misère des millions de personnes. Le drame humain, écologique et économique et les périls inestimables qu’ils comportent sont acceptés, pour ne pas dire attendus. L’humain devient ainsi la variable d’ajustement du développement économique de la société de croissance.

 

Fukushima: une aubaine pour l'EPR ?

Dans sa dernière édition, le Canard Enchainédonnait à cette démonstration une illustration concrète : lassé de voir les pays tourner le dos à son très cher mais très sécurisé EPR (le réacteur de troisième génération), « Atomic Sarko » a décidé de réorganiser la filière pour nommer à la tête d’EDF son fidèle Henri Proglio. Dans le même temps, en juin dernier, François Roussely, ancien patron d’EDF, se voyait chargé de rédiger un rapport sur l’avenir de la filière française du nucléaire civil . Document resté secret jusqu’ici. Dans une synthèse, le Canard relève néanmoins une perle : « la question du risque nucléaire acceptable est un débat de société à part entière pour lequel la ou les réponses à donner sont naturellement du rôle du politique. La seule logique raisonnable ne peut pas être une croissance continue des exigences de sûreté ».

Autrement dit, priorité est faîte à des centrales à bas coût, fabriquées en partenariat avec les Chinois, quitte à rogner sur la sécurité pour les refourguer à tous les pays incapables de s’offrir un EPR sécurisé.

Alors que 20 ans après Tchernobyl, priorité était accordée à la sécurité de l’énergie, l’heure est désormais à la maîtrise des coûts aussi bien à des fins commerciales que pour enrayer l’inflation des coûts de l’énergie pour le citoyen lambda.

Une mini version post moderne du pari de Pascal : la minimisation de la perte maximale.
Si l’on en croît le Canard, Sarkozy a pleuré des larmes de crocodile sur le tsunami, content de voir son EPR s’imposer, de fait, aux yeux du monde : « Si on est les plus chers, c’est parce qu’on est les plus sûrs. Je connais bien le chantier (NDLR : de l’EPR). Je suis désolé de dire ça, mais on a la double coque ! Le principe de la double coque, c’est que si un boeing 747 s’écrase sur une centrale, le réacteur n’est pas touché » s’est enflammé Sarkozy. En revanche, Henri Proglio, paraissait bien piteux 
sur RTL le 16 mars. Heureusement pour lui, Jean-Michel Aphatie lui a facilité la vie en omettant de le questionner sur le nucléaire low cost.

 

Des cataclysmes toujours plus importants

En 2008, le journaliste Eric Ouzounian citait, lui, le Japon comme référence en matière de sécurité nucléaire dans un livre intitulé Vers un Tchernobyl français ? : « de nombreuses centrales nucléaires sont en service dans des pays où des séismes de grande intensité se sont produits récemment (Japon en 1995, Taiwan en 1999). Grâce aux précautions prises dans la conception, la réalisation et l’exploitation des réacteurs, ceux ci n’ont subi aucun dommage. Aucune dispersion de matière radioactive n’est venue aggraver le bilan catastrophique de ces séismes, sur les installations classiques ».

A l’époque, le constat était vrai, l’auteur concède aujourd’hui sur Owni que « le risque a été délibérément sous estimé par les autorités japonaises, qui n’ont jamais vérifié sérieusement les affirmations de l’opérateur japonais TEPCO, pour d’évidentes raisons économiques ».

Les centrales japonaises étaient conçues pour résister à des tsunamis de 5 mètresde haut. A Fukushima, la vague atteignait 15 mètres à certains endroits ! Preuve qu'on ne sait pas prévoir les crises. En tout cas pas à une échelle de temps humaine.

Face à des risques de catastrophe naturelle et de krach financier qui deviennent imprévisibles et inassurables, plutôt que d’essayer de se convaincre qu’un réacteur de nouvelle génération préviendra toutes les catastrophes, peut-être est-il temps de renverser la problématique : quel cataclysme naîtra d’un incident touchant le réacteur le plus puissant conçu pour résister à toutes les avaries, le jour où il adviendra ?

La question pourrait se formuler en des termes identiques pour le système financier le plus performant et le plus sûr du monde. Le dernier krach financier, qui ne pouvait pas arriver, n’était, à cette aune, qu’une mise en bouche…

 

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