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FOLIO DU BLANC-MESNIL
7 mai 2024

France Inter coupe le micro à l’écologie et aux luttes. Reporerre

France Inter coupe le micro à l’écologie et aux luttes

France Inter coupe le micro à l'écologie et aux luttes

L'émission « La Terre au carré » de France Inter disparaîtrait sous cette forme à la prochaine rentrée. - © Jean-Marc Barrere / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

 

Plusieurs émissions écolos de France Inter, dont « La Terre au carré », disparaîtront à la prochaine rentrée ou seront transformées. Moins de luttes, plus de science : la radio tente un virage qui ne plaît pas à tous.

 

Il est 14 heures, le lundi 6 mai. À l’antenne de France Inter grésille la voix teintée de tristesse de Jean. Puis celle de Martine, « scandalisée », ou encore Suzanne, « abasourdie »« Au moment même où les médias ont le devoir de mieux et plus parler d’écologie, on supprime une émission phare sur le sujet », déplore-t-elle. Un brin agacé, Dominique ponctue : « Force à vous, et longue vie ! »

 

D’ordinaire joyeux et mobilisateur, le répondeur de « La Terre au carré » a changé de ton lundi. Avant que ne débute un nouvel épisode de l’émission écolo de France Inter — à laquelle participe chaque mois Reporterre —, son présentateur Mathieu Vidard a déclaré : « À l’heure où je vous parle, il a été acté que “La Terre au carré” sous sa forme actuelle disparaîtrait à la rentrée. Ça n’est pas un choix de notre part. »

 

Trois jours plus tôt, le journal Le Monde dévoilait déjà l’atmosphère tempétueuse régnant dans les couloirs de la Maison ovale de Radio France. Convoqués tour à tour, plusieurs journalistes de France Inter ont appris la diminution ou la suppression de leurs émissions ou chroniques, à compter de la saison prochaine. Et l’équipe de Mathieu Vidard n’échappe pas au grand ménage orchestré par la directrice de la station, Adèle Van Reeth

.

Si la tranche horaire de l’émission est maintenue, quelques voix disparaîtront des ondes. À commencer par Anaëlle Verzaux et sa chronique hebdomadaire « Le Jour où », et Giv Anquetil, dont les grands formats mensuels emportaient les auditeurs aux quatre coins du globe. Plus surprenant encore, Camille Crosnier, en binôme avec Mathieu Vidard, voit aussi son micro coupé. Jusqu’ici la journaliste intervenait à chaque épisode, en plaçant dirigeants, patrons et élus face à leurs contradictions sur l’écologie. Contactés par Reporterre, les journalistes de l’émission n’ont pas souhaité s’exprimer.

 

France Inter au tempo de Bolloré

 

Le nom et le contenu éditorial de ce rendez-vous quotidien risquent par ailleurs d’être bouleversés. Toujours dans Le Monde, un porte-parole de France Inter assure que l’évolution du programme « vers davantage de récits écologiques et scientifiques » est un souhait de Mathieu Vidard. Faux, a rétorqué en direct l’intéressé, le 6 mai. S’il ne cache pas le désir de l’équipe « de faire évoluer l’émission en imaginant une nouvelle formule, [...] avec une structure et une narration différente », celle-ci devait comprendre « tous les ingrédients ayant construit l’identité de “La Terre au carré” ».

 

Malheureusement, cette proposition n’a pas été retenue. Du moins, pour le moment : « Nous n’avons pas parlé de vos luttes sur le terrain depuis cinq ans pour nous arrêter au premier obstacle venu », précise-t-il. Le producteur affirme son envie, plus forte que jamais, « de défendre l’émission pour qu’elle conserve sa colonne vertébrale, sa force, sa vitalité et surtout son engagement au cœur de la crise écologique que nous traversons ».

 

L’autre justification, évoquée par la direction, est la nécessité de rendre l’information « moins anxiogène ». Un argument douteux dès lors que l’on écoute les auditrices et auditeurs témoigner du bonheur et de l’envie d’agir que leur confère l’émission : « C’est cela qu’il nous faut aujourd’hui, assure à Reporterre l’activiste Mathilde Caillard, connue pour ses techno-manifsNous n’avons pas besoin que le service public lisse les informations dramatiques pour préserver notre confort. Nous ne cherchons pas à être confortables vis-à-vis de la crise climatique. Ce que l’on veut, c’est agir. »

 

Aux yeux de la militante, France Inter « se met au diapason d’une nouvelle ère, dictée par un milliardaire à l’agenda politique clair » : « Le service public ne doit pas tomber dans le tempo de l’extrême droite et de Bolloré », alerte-t-elle. Car bien au-delà de « La Terre au carré », d’autres figures voient approcher le clap de fin à grands pas. Charlotte Perry, et ses portraits de héros du quotidien peint avec sensibilité dans « Des vies françaises », ou encore Antoine Chao et son instantané sonore de 18 minutes à la découverte des luttes environnementales et sociales, baptisé « C’est bientôt demain », s’apprêtent à fermer leur micro.

 

« Ces émissions ont bercé mon enfance, poursuit Mathilde Caillard. Je les écoutais avec ma mère, sur le chemin de l’école ou à la maison, dans son transistor. Pour beaucoup, ces voix sont comme des amies. Elles tirent parfois de la solitude, donnent de la force et offrent des bouffées d’espoir. D’autant que la direction s’attaque à des émissions engagées, parlant de lutte et de résistance face à des projets climaticides. » Charlotte Perry, Antoine Chao, Anaëlle Verzaux et Giv Anquetil ont d’ailleurs tous les quatre appris leurs gammes aux côtés de Daniel Mermet, dans l’emblématique émission — penchant à gauche — « Là-bas si j’y suis ».

 

Mobilisation générale

 

L’écologie et les luttes ne sont pas les seules victimes de cette séquence : la satire politique, incarnée par Guillaume Meurice, encaisse aussi les uppercuts. Le 2 mai, sur son compte X, l’humoriste révélait être convoqué à « un entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire ». D’ici là, interdiction pour lui de s’exprimer sur les ondes. La direction de Radio France reproche au chroniqueur d’avoir à nouveau qualifié Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, de « sorte de nazi sans prépuce », le 28 avril dans l’émission « Le Grand dimanche soir ».

 

Une décision déroutante, d’autant que les plaintes déposées contre Guillaume Meurice pour cette phrase avaient déjà été classées sans suite par la justice. Dans l’épisode du 5 mai, l’humoriste Djamil Le Shlag a ainsi démissionné en direct : « Il y a plus de liberté sur CNews que sur France Inter, a-t-il ironisé. Je vais envoyer mon CV à Pascal Praud. » Les sociétés des producteurs (SDPI) et des journalistes (SDJ) de la station entendent aussi sonner la rébellion : « Nous refusons ce qui nous apparaît comme une atteinte grave au pluralisme de l’antenne », ont-ils déclaré dans un communiqué commun inédit, diffusé le 3 mai en interne.

 

Les prémices d’une mobilisation inédite à la Maison ovale ? Une chose est sûre : les prochains jours seront déterminants. Le 6 mai, en fin de journée, la SDPI rencontrait la direction pour dénoncer ces dérives. Si le contenu des échanges n’a pas encore été dévoilé, un producteur de France Inter déplore toutefois auprès de Reporterre que les échanges ne se soient pas bien déroulés. Dans la soirée, un préavis de grève intersyndical a été déposé pour le dimanche 12 mai par les syndicats de Radio France, « pour la défense de la liberté d’expression ».

 

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