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FOLIO DU BLANC-MESNIL
15 mai 2023

Pyrénées-Orientales : « Si on n’y prend pas garde, une guerre de l’eau peut arriver » Reporterre

eau ne gaspille pas

Pas d’arrosage de piscines, pelouses, voitures… Face à la sécheresse dans les Pyrénées-Orientales, des mesures d’urgence ont été prises. Pour être acceptées elles doivent être justes, explique l’élu Nicolas Garcia.

Le couperet est tombé le 10 mai. À sec depuis près d’un an, les Pyrénées-Orientales ont été placées en « crise sécheresse », le niveau d’alerte le plus élevé qui existe. Afin de faire face au manque de pluie — qui n’a jamais été aussi long et intense dans le département depuis 1959 —, la préfecture a mis en place de nouvelles restrictions, destinées à éviter le risque de rupture d’alimentation en eau potable. Interdiction de remplir sa piscine, d’arroser sa pelouse, de nettoyer sa terrasse, de laver son véhicule, d’utiliser un jacuzzi, fermeture des fontaines publiques et privées… Si ces mesures d’urgence s’avèrent nécessaires, elles doivent cependant être accompagnées de changements structurels, estime Nicolas Garcia, vice-président du conseil départemental des Pyrénées-Orientales en charge de l’eau et maire (communiste) d’Elne.


Reporterre — Les mesures adoptées par la préfecture vous semblent-elles à la hauteur de la situation ?

Nicolas Garcia — Elles n’ont jamais été aussi ambitieuses et correspondent à ce qui est acceptable, aujourd’hui, dans les Pyrénées-Orientales. On peut toujours dire que ces mesures auraient dû être prises avant, qu’on aurait pu faire mieux… Mais ce n’est pas la peine de prendre des mesures de restriction si elles provoquent une révolte sociale. Si l’on demandait aux acteurs du tourisme d’arrêter d’accueillir des touristes, ou aux agriculteurs d’arrêter totalement l’irrigation, toutes les autorités se retrouveraient avec des concerts de casseroles — à juste titre. On risquerait de mettre l’économie d’un département qui fait déjà partie des plus pauvres de France totalement à terre.

Il faut déjà que nous réussissions à faire appliquer ce qui a été décidé. Nous ne sommes encore qu’au printemps. Si les mesures ne donnent rien sur le niveau des forages, des rivières et des nappes d’ici mi-juin, le préfet ne s’interdit pas d’être encore plus restrictif.


Le remplissage et la vente de piscines — y compris hors-sol — ont été interdits. Que pensez-vous de cette mesure ?

La majorité de la population n’a pas de piscine, et elle n’en meure pas. Les piscines collectives des mairies peuvent par ailleurs être remplies et utilisées — c’est même recommandé pour éviter les frustrations. Tous les mètres cubes qui peuvent être économisés doivent l’être.

Il y a une dimension de cohésion sociale dans cette mesure. Comment demander à des personnes modestes d’arrêter d’arroser leur potager familial, qui leur sert à nourrir leur famille, si elles voient en rentrant chez elles le soir leur voisin faire « plouf plouf » dans sa piscine ? C’est ce genre de situation qui peut créer une guerre de l’eau.

Lire aussi : Les Pyrénées-Orientales, asséchées par de mauvais choix politiques

L’irrigation des cultures, à certaines conditions, reste cependant autorisée. Cela vous semble-t-il cohérent ?

Les efforts demandés aux agriculteurs irrigants sont importants. Ceux qui utilisent un système d’irrigation gravitaire — c’est-à-dire, qui arrosent directement la terre — doivent réduire leurs prélèvements de 80 %. Avec les 20 % qui restent, on sauvera tout juste les vergers, mais pas les récoltes. Ceux qui irriguent au goutte à goutte doivent réduire de 50 % leurs consommations. C’est très compliqué. Ceux qui économisaient déjà l’eau sont particulièrement pénalisés. 50 % de la consommation d’eau d’un agriculteur vertueux, ça ne fait pas grand-chose. Certains vont perdre l’intégralité de leurs cultures.

La croissance des fruits de ce pêcher des Pyrénées-Orientales (ici, le 25 avril 2023) est menacée par le manque d’eau. © David Richard/Reporterre

C’est dramatique. Une production, c’est vivant. On se bat pour la faire grandir, on se lève à 5 heures du matin pour la faire pousser... Qu’on ait de l’argent ou pas, ça rend fou de la perdre. S’il y a des indemnisations, ça aidera peut-être à faire avaler la pilule. Mais de toute façon, il n’y avait pas d’autre solution. Si on n’avait pas fait ça, fin mai, il n’y aurait eu d’eau pour personne.


Ces nouvelles restrictions suffiront-elles à apaiser la population ?

C’est compliqué. Les tensions n’éclatent pas encore au grand jour, mais elles existent. Notamment parce que la gravité des conséquences des restrictions ne sera pas la même en fonction des secteurs. Les agriculteurs ont le sentiment d’être plus contraints que les acteurs du tourisme. La présence de touristes n’est pas liée au remplissage d’une piscine. Si, demain, le patron d’un camping dit à ses clients qu’il ne peut pas remplir la piscine parce que le préfet lui interdit, mais que la mer n’est pas loin… Je ne pense pas que cela génère une vague de départs vers l’Espagne. Dans l’agriculture, on perd une récolte ou on ne la perd pas.


Vous évoquiez plus tôt le terme de « guerre de l’eau ». Craignez-vous une telle situation ?

Si on n’y prend pas garde, cela peut arriver. Mais on peut l’éviter, grâce au travail que nous faisons tous de conviction et d’explication. Pour le moment, les tensions sont retenues parce que tout le monde a conscience que la situation est gravissime. Je ne suis pas souvent flatteur quand il s’agit des préfets, mais le préfet Furcy a été excellent dans la manière de mener la concertation. Chacun a pu participer aux débats, aux échanges.

« Il faut prendre ce virage pour qu’il n’y ait pas de sang sur les murs et de cadavres sur les routes »

Si on respecte les arrêtés, qu’on se dit qu’on est tous dans le même bateau et qu’on rame ensemble pour ne pas se noyer, ça ira. Mais s’il y en a qui croisent les bras, qui ne respectent pas les arrêtés, ça ne marchera pas. Si un agriculteur applique les règles, mais pas son voisin, il risque d’avoir envie de le dénoncer, de casser sa vanne, ou pire, de lui péter la gueule.


La préfecture se borne, pour le moment, à des mesures d’urgence. La situation est cependant amenée à se répéter en raison du changement climatique. Que faudrait-il faire, sur le plan structurel, pour mieux gérer la ressource en eau ?

Sur le court terme, les économies, il n’y a que ça. Sur le moyen terme, il faut des solutions techniques : recharger les nappes grâce à des canaux, réutiliser les eaux usées, déclarer tous les forages et y installer des compteurs pour mieux partager l’eau… Il nous faut également rechercher des ressources alternatives, par exemple dans les réserves karstiques.

À plus long terme, il faut changer de mode de vie, de culture. Est-ce qu’installer des piscines partout au bord de la mer est acceptable ? Il faut mettre en œuvre une culture de la pluie. Par exemple, en désimperméabilisant les sols, les parkings, les places. Plutôt que de laisser l’eau ruisseler jusqu’à la mer, il faut faire en sorte qu’elle puisse s’infiltrer dans la terre. Il faut également remettre massivement des haies dans les propriétés agricoles, et augmenter le couvert végétal pour que le soleil assèche moins la terre.

Tout cela représente du temps, de l’argent, des investissements. Ça ne pourra pas se faire sur une décision du préfet. Ça prendra dix ou quinze ans, mais il faut prendre ce virage pour qu’il n’y ait pas de sang sur les murs et de cadavres sur les routes.

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