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FOLIO DU BLANC-MESNIL
13 mars 2023

Des nains bancaires peuvent-ils mettre des géants à genoux ? Alternatives Economiques

Laurence ScialomProfesseure d'économie à l'université Paris Nanterre et membre du Conseil d’Administration de l’Observatoire de l’Éthique Publique

Et de deux ! Comment expliquer le brusque mouvement de repli des plus grandes valeurs bancaires aux Etats-Unis et l’inquiétude croissante qui agite le secteur suite aux faillites de deux banques, Silvergate, impliquée dans la finance des cryptoactifs, et Silicon Valley Bank (SVB), un établissement proche des startups ?

Comment des géants tels Bank of America, Citigroup ou JPMorgan Chase peuvent-ils être ébranlés par les difficultés de banques qui, comparativement, font figure de nains, qui n’ont rien de systémique et étaient inconnues du public il y a encore quelques semaines ? Pour mieux le comprendre, revenons rapidement sur les déboires de ces deux banques.

Une fuite des déposants

Silvergate et SVB ont été victimes d’une véritable fuite des déposants illustrant une fragilité bien connue des bilans bancaires aux crises de liquidité que celles-ci prennent la forme d’un tarissement des financements de court terme sur les marchés ou d’une fuite des dépôts. Cette illiquidité peut d’autant plus vite conduire à l’insolvabilité que l’actif de la banque est lui-même dégradé.

Silvergate était considérée comme une crypto-banque du fait de sa spécialisation depuis une dizaine d’années dans l’offre de services bancaires au monde des cryptos, d’abord sur le bitcoin puis plus généralement sur les crypto-actifs. Elle était devenue un acteur clé du secteur via notamment son réseau de transferts (Silvergate Exchange Network) considéré comme particulièrement performant. C’est le krach des cryptos de 2022, et plus précisément la faillite de FTX en novembre dernier, qui a fini par l’emporter comme d’ailleurs d’autres plateformes de prêts de cryptos.

SVB est quant à elle spécialisée dans le financement de projets et de start-ups via ses activités de capital investissement et de capital risque. Or, ce secteur de la tech est fortement fragilisé par le durcissement rapide des conditions monétaires aux Etats-Unis. Prise à la gorge, SVB a dû liquider dans l’urgence un portefeuille de près de 21 milliards de dollars prenant au passage une perte de 1,8 milliard.

En réaction, des investisseurs de référence dans le monde du capital risque ont conseillé aux entreprises avec lesquelles ils sont en affaire de sortir leurs fonds de SVB provoquant une fuite massive de dépôts et donc les conditions d’une faillite.

Les raisons du basculement

Les déboires de Silvergate et de SVB mettent le monde de la finance face à des réalités qu’il a eu tendance à vouloir ignorer ou minimiser. Tout d’abord, le décrochage spectaculaire de SVB a un effet de choc psychologique majeur réveillant le souvenir de l’automne 2008 et des effets en chaine provoqués par la faillite de Lehman Brothers.

Mais au-delà de cet effet mémoire, l’épisode SVB rappelle également que la remontée rapide des taux a provoqué des moins-values latentes considérables sur les portefeuilles obligataires en dégonflant la bulle qui s’était développée sur les marchés de dette dans le contexte de taux très bas.

Or ces moins-values latentes se transforment en pertes sonnantes et trébuchantes dès lors que sous la pression des besoins de liquidité, les banques doivent vendre les obligations à perte. Enfin, les deux épisodes Silvergate et SVB illustrent à quel point le manque de diversification dans les sources de financement des banques est une source de fragilité.

Une déstabilisation mesurée ou systémique ?

Le conseil de stabilité financière (FSB) définit tous les ans une liste des banques systémiques mais ce serait une grave erreur de penser que seules les « happy few » de cette liste peuvent provoquer des dégâts d’ordre systémique. Rappelons-nous que le défaut du hedge fund LTCM a considérablement ébranlé le système financier mondial en 1998. A l’inverse, en 2006, le défaut du hedge fund Amaranth, dont les pertes étaient pourtant très supérieures à celles de LTCM, a été absorbé sans problème majeur par les marchés.

La leçon en est que la systémicité du défaut d’un acteur de la finance n’est pas une variable toujours objectivement quantifiable, elle dépend beaucoup de quand la faillite a lieu. Si celle-ci se produit sur des marchés déjà déstabilisés ou très fragiles, comme en 1998 suite à la crise russe, ou si elle révèle des fragilités préexistantes qui avaient été minimisées, alors la perte de confiance et la panique peuvent produire une crise dont les effets systémiques sont sans commune mesure avec la taille de l’acteur qui a failli.

La question qui se pose aujourd’hui est donc de savoir si la résilience des marchés financiers dans un contexte de durcissement rapide des taux d’intérêt est suffisante pour permettre d’absorber sans dommages durables ces deux faillites bancaires ou si au contraire celles-ci vont jouer le rôle de révélateur/amplificateur des fragilités préexistantes du secteur et provoquer une déstabilisation grave du secteur. Un troisième établissement, Signature Bank, a déjà fait faillite dans la foulée et les autorités financières américaines sont intervenues pour calmer les esprits. La suite n’est pas écrite...

banques fn

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