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FOLIO DU BLANC-MESNIL
10 juin 2022

Un homme est mort au travail, au fond d’une tranchée. Journal l'Humanité

Un homme est mort au travail, au fond d’une tranchée

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Intérim Le 23 mai, à Paris, un travailleur sans papiers, recruté comme salarié temporaire par l’agence d’intérim Crit Lafayette-Paris, est décédé sur un chantier GRDF sous-traité à la société Spac, une filiale du groupe Colas-Bouygues.
Publié le Vendredi 10 Juin 2022
Rosa Moussaoui
Il a rendu son dernier souffle au fond d’une tranchée, le 23 mai, alors qu’il rénovait, dans le 6e arrondissement de Paris, les conduites de gaz du quartier de l’Odéon. L’un de ses collègues l’a retrouvé inerte ; appelés, les pompiers lui ont prodigué des soins d’urgence sur place, mais il n’a pas pu être réanimé. Il a probablement succombé à un arrêt cardiaque. M. Konate avait été recruté comme salarié temporaire par l’agence d’intérim Crit Lafayette-Paris : il était en mission sur un chantier GRDF sous-traité à la société Spac, une filiale du groupe Colas-Bouygues.
Comme des dizaines de milliers de migrants, il travaillait sans titre de séjour, sous alias, c’est-à-dire sous une identité d’emprunt. « L’histoire de M. Konate est celle de dizaines d’ouvriers du bâtiment et des travaux publics victimes d’accidents du travail, car soumis à la pénibilité des travaux qu’ils réalisent, à l’intensification des rythmes de travail et à la pression qu’exercent les entreprises afin que le chantier dure le moins longtemps possible », résume la CGT intérim, qui a rendu publique la nouvelle de cette mort au travail – on en recense 147, depuis le début de l’année 2022.
Du côté de l’entreprise de travail temporaire qui l’a recruté, on assure avoir respecté toutes les procédures légales et on se pose en victime d’une manipulation d’identité. Premier réflexe : le dépôt d’une plainte contre le détenteur du titre de séjour emprunté par l’ouvrier décédé. « On porte toujours plainte contre la personne qui prête ses papiers ! » tranche Jean Pierre Lemonnier, le directeur des ressources humaines de Crit.
Un recrutement sous alias
« La personne que nous avons recrutée n’est pas celle qui travaillait sur le chantier, poursuit-il. On est certains que le candidat reçu à l’agence Lafayette-Paris, le 6 janvier, était le détenteur du titre de séjour, que nous avons ensuite fait contrôler par la préfecture. La procédure pratiquée par tout le travail temporaire, c’est un contrôle strict des papiers. On ne prend pas d’inscription d’étrangers au téléphone. On n’est pas une entreprise digitale ; on garantit à nos clients qu’on voit physiquement les personnes recrutées. » Crit assure avoir découvert cette situation par les policiers qui ont retrouvé sur l’ouvrier décédé d’autres papiers et, parmi eux, sans doute, une carte de BTP, obligatoire sur les chantiers.
Cette version ne convainc guère Laëtitia Gomez, secrétaire de la CGT intérim, pour qui le recrutement de travailleurs sans papiers sous alias est « un secret de Polichinelle dans l’intérim ». « Cette société a bien d’autres salariés temporaires qui travaillent sous alias, accuse-t-elle. Comme il est décédé, M. Konate est à découvert, l’entreprise s’offusque du travail illégal, quitte, pour se protéger, à ne pas le reconnaître comme un salarié de cette entreprise. Et le scandale est là : voilà une entreprise qui sait qu’elle emploie des travailleurs sans papiers, mais qui s’en lave les mains dès qu’il arrive quelque chose. Son premier réflexe est de tirer argument de l’infarctus p our écarter la thèse de l’accident du travail, de laisser entendre qu’il était déjà malade, et de porter plainte contre l’alias. Il faut remettre les choses en ordre : un travailleur est mort. Dans quelles conditions est-il décédé ? Où est sa famille ? »
Une enquête de police est en cours
Au lendemain du décès, comme la loi l’y oblige, Crit a bien déclaré l’accident du travail à l’assurance-maladie… au nom du détenteur du titre de séjour, toujours vivant. Avant de signaler par une lettre à la Cpam que la personne décédée n’était pas celle dont l’identité lui avait d’abord été communiquée. « Ils cachent la poussière sous le tapis ! » s’indigne Laëtitia Gomez. Preuve du « manque d’humanité » que dénonce cette syndicaliste ? Alors que l’entreprise utilisatrice s’est immédiatement dite prête à partager les frais, Crit a d’abord refusé de prendre en charge le rapatriement du corps dans le pays d’origine du salarié décédé. Avant de se raviser mercredi, une fois l’affaire rendue publique, officiellement « après des vérifications comptables ».
Une enquête de police est en cours, et le responsable de l’agence Crit Lafayette-Paris qui a recruté ce travailleur sans papiers devait être entendu, jeudi, par l’inspection du travail. Ce vendredi, à 10 heures, la CGT appelle à un rassemblement devant l’hôtel Mercure, 115, avenue Gabriel-Péri à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), où doit avoir lieu l’assemblée générale des actionnaires de Crit. Objectif : « Rappeler que la santé et la vie des travailleuses et des travailleurs valent mieux que les dividendes des actionnaires. » Les salariés intérimaires encourent deux fois plus de risques d’être victimes d’un accident du travail, et le secteur du bâtiment et des travaux publics concentre la moitié des salariés intérimaires qui décèdent au travail.
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