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FOLIO DU BLANC-MESNIL
1 février 2022

INTERVIEW DE VICTOR CASTANET AUTEUR DU LIVRE "LES FOSSOYEURS"

castant victor babelio

Toutes les institutions privées qui gèrent des EHPAD sont-elles à mettre dans le même sac, celui de l'appât du gain ?

Je ne veux pas mettre tous les groupes privés dans le même panier. L'enquête de mon livre qui contient plus de 250 témoignages et concentré sur le groupe Orpéa, qui est le leader mondial. Et dans ce groupe, il y a eu un certain nombre de dérives graves qui ont eu des conséquences directes sur la qualité de prise charge des pensionnaires et sur les conditions de travail des salariés. Je n'ai donc pas enquêté sur d'autres groupes privés et je dois dire que j'ai des informations très positives sur plusieurs d'entre eux. Ce que révèle mon travail, c'est aussi et surtout que le système de santé français est défaillant

L'Etat ne surveille pas assez les conditions de vie des anciens ?

Tous les témoignages des cadres montrent d'abord que les contrôles sont trop rares-certains établissements ne sont pas inspectés parfois pendant plusieurs années- et qu'en suite ils sont défaillants. Il faut savoir qu'il n'y a pas de contrôle inopiné. Les établissements sont en général prévenu un mois à 'avance, et ils peuvent ainsi prendre des mesures de correction pour masquer la réalité aux inspecteurs.

Selon vous, que dissimule-t-on principalement aux inspecteurs ?

Le manque de personnel. Souvent en sous effectifs avant le contrôle, les établissements modifient le planning, voire refont des contrat de travail avant que les inspecteurs arrivent. Si bien que le jour J, on peut présenter des plannings qui respectent les normes imposées.

Ce que révèle votre enquête, c'est la «préméditation» des économies à tout prix, en rognant sur la qualité de vie des résidents ?

Ce que je raconte, c'est que c'est effectivement un système organisé, réfléchi et pensé au plus haut niveau de l'entreprise. Il s'agit de réduire drastiquement tous les coûts. Cela passe bien sûr par l'optimisation de la masse salariale et par le rationnement des produit e santé. Et cela passe par des logiciels et des applications qui décident de tout. Si bien que plusieurs directeurs m'ont expliqué qu'ils n'avaient plus la main ni sur leur masse salariale, ni sur leurs besoins en produit de santé. Ils avaient en fait le sentiment d'être des « super secrétaires ». L'exemple le plus frappant concerne les couches, et cela passe par une utilisation contestable de l'argent public.

Avec quel mode opératoire selon vous ?

Ces grands groupes privés qui génèrent beaucoup d'argent reçoivent des dotations publiques. Les conseils départementaux financent l'achat des couches. Dans un établissement où la dépense s'élève par exemple à 10 000€, le groupe va produire une facture de ce montant au conseil départemental. Ce qui se passe, c'est que le fournisseur en l'occurrence le groupe Hartmann- l'un des plus grands au monde- reverse à la fin de l'année, au groupe Orpéa. via un autre circuit financier des marges arrières. Pour ls couches, le taux reversé au siège et non pas à l'établissement, est de 28%. Conséquence directe de ce détournement , le rationnement du nombre de couches par patient, mais aussi sur la qualité du produit. Car pour maintenir sn niveau de rentabilité, Hartmann a baissé la capacité d'absorption es couches. Pour des raisons financières, on ne respecte pas la dignité des pensionnaires. J'ajoute qu'une partie des marges arrières a servi à financer le fonctionnement du siège, mais aussi des séminaires luxueux à Marrakech ou Mykonos.

Le conseil départemental de Gironde a été sensible à votre démarche...

Dans les Hauts de Seine, départ de mon enquête, j'ai essuyé de nombreux refus, à commencer par celui du Conseil Départemental. J'ai multiplié mes demandes partout en France. C'est effectivement le Conseil départemental de la Gironde qui fut le premier à me répondre favorablement.. Ses équipes furent sensibles à mon travail et ont accepté de me rencontrer à Bordeaux. Deux responsables ne m'ont pas caché que les comportements de certains groupes privés les avaient marqués.

Vous racontez que l'on vous a proposé une somme de 15 millions d'euros pour e pas sortir ce livre.

A a moitié de mon enquête, quand Orpéa a eu connaissance de son ampleur, un intermédiaire, non salarié du roupe m'a effectivement proposé d'arrêter mon travail, moyennant 15 millions d'euros. Le tout dans une transaction encadrée par un avocat. J ' avoue avoir été effaré par la somme, mais c'est un groupe qui génère énormément d'argent ! Il suffit pour s'en convaincre de savoir que son fondateur a vendu 7% d'actions qui lui restaient, juste avant le Covid, pour 450 millions d'euros ! Des fortunes bâties avec la gestion privée d'EHPAD.

Votre livre fait un bruit retentissant. Avez-vous une idée des conséquences, des actions qui vont être engagées ?

Tous les gens qui ont collaboré à cette enquête rêvaient que le grand public soit informé de cette réalité et que cela provoque un électro choc. On ne pouvait pas imaginer que cela soit à point la ! Mais ce travail a été réalisé pour que l'opinion publique se saisisse du dossier.

Comment choisir un bon EHPAD pour ses proches ?

C'est une vraie question. A tort, on pense que plus ce sera cher, mieux ce sera. A Neuilly sur Seine, l'un des plus cher de France, c'est de l'ordre de 7 000 à 12 000€ par mois. Effectivement ce sera luxueux. Surtout au niveau de l'hostellerie. Mais sur les soins et de la médicalisation, cela ne changera rien. Il ne faut donc pas se fier à l'apparence de l'accueil, ne pas faire seulement une visite d'accueil avec la direction, mais passer du temps et si possible discuter avec le personnel soignant.

Cela pose aussi le problème des sociétés de placement qui cherchent une place pour vous. Ces sociétés sont commissionnées, donc pas neutres et dépendantes des grands groupes comme Orpéa. Mon grand père dont je suis très proches, à 95 ans et au bout de sa vie. Il sera peut-être obligé d'aller dans une EHPAD et je ne peux imaginer qu'il soit confronté à ce genre de situation.

 

Propos recueillis par Philippe Minard (ARL) Sud Ouest du 31/01/2022.

Les fossoyeurs de Victor Castanet édition Fayard.

 

ENSEMBLE SAUVONS LA RESIDENCE MARIA VALTAT

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