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FOLIO DU BLANC-MESNIL
12 juillet 2021

Chili : le petit-fils d’Allende veut renvoyer la Constitution de Pinochet dans les poubelles de l’histoire. bastamag

chile

PAR  14 MAI 2021

Pablo Sepúlveda Allende, petit-fils de Salvador Allende, le président renversé par le coup d’État du général Augusto Pinochet, se présente à l’élection de la Constituante chilienne, obtenue par le mouvement social, qui se tiendra le 16 mai.

Il ne pouvait être absent des élections qui, le 16 mai prochain (lire ci-dessous), doivent envoyer la Constitution d’Augusto Pinochet dans les poubelles de l’histoire. Pablo Sepúlveda Allende, petit-fils de Salvador Allende, le président socialiste du Chili renversé le 11 septembre 1973 par l’armée, se présente dans le district 10 de la capitale, sur la liste « Mouvements sociaux, unité des indépendants ». Né au Mexique en 1976, où il a grandi avec sa famille en exil, il passe son adolescence au Chili avant de reprendre la route pour étudier la médecine à Cuba. Arrivé au Venezuela comme coopérant de la Mission Barrio Adentro, il y pratiquera pendant onze ans. Le choc de la répression subie en 2019 par le mouvement social chilien le ramène au Chili, où il intègre la brigade qui porte secours aux manifestant·es blessé·es. Installé à Santiago, Pablo Sepúlveda Allende s’investit désormais dans un centre communautaire dédié à la santé mentale.

Le Courrier  : Vous êtes devenu médecin. Souhaitiez-vous suivre le chemin tracé par votre grand-père ?

Pablo Sepúlveda Allende : Au fond, oui, mais ce n’était pas conscient. J’ai été inspiré par sa réflexion sur le lien entre pauvreté et santé. Mon grand-père est devenu ministre de la Santé à la fin des années 1930 après la Grande Dépression. Dans l’introduction de son livre, La réalité médicale sociale chilienne, il explique qu’aucune mesure sanitaire ne sera efficace si nous ne changeons pas les structures économiques et financières du pays. Ce sont les déterminants sociaux de la santé. Ce concept a été rendu visible par la pandémie. « L’inégalité tue », disent-ils dans les débats télévisés, c’est fou, comme s’ils découvraient l’eau chaude ! On ne peut pas parler de santé publique en disant qu’il faut juste améliorer les hôpitaux. Oui, il faut le faire, mais ce n’est qu’un des quatre facteurs déterminants. Le déterminant socio-économique est le plus important, puis viennent les organisations du système de santé, ensuite l’environnement – si une population vit à côté d’une usine, c’est un environnement totalement insalubre – et enfin, le quatrième, c’est votre héritage biologique. Ici, il y a des communes pauvres, où les décès dus au Covid sont cinq ou six fois plus nombreux que dans les municipalités riches, car les gens vivent dans des quartiers surpeuplés, ils ont une mauvaise nutrition, doivent faire la queue dans les hôpitaux, emprunter les transports en commun. Ce sont des conditions matérielles qui font que vous êtes plus susceptibles d’être contaminés.

« Le Chili est le seul pays au monde où l’eau est un bien privé. Le droit fondamental à l’eau doit être consacré dans la Constitution »

Pourquoi avez-vous décidé de présenter votre candidature à la Convention constituante ?

Je voulais parler d’un sujet peu abordé : la renationalisation du cuivre et du lithium. Mon grand-père Salvador Allende a nationalisé le cuivre en 1971. Le 11 juillet prochain, jour de la dignité nationale, on célébrera les 50 ans de la loi de nationalisation. Aujourd’hui, le Chili possède plus de 40 % des réserves mondiales de cuivre, mais elles sont monopolisées par des capitaux privés. Avant la dictature, 30 % du cuivre était transformé au Chili, maintenant nous n’exportons que du concentré de minerai de cuivre. C’est le seul pays au monde où l’eau est un bien privé. Le droit fondamental à l’eau doit être consacré dans la Constitution. Les inégalités qui résultent de sa gestion privée sont sans précédent dans le monde et insoutenables.

Pensez-vous qu’il soit possible de développer une exploitation minière plus respectueuse de l’environnement ?

Si nous récupérions le contrôle de l’exploitation des ressources minières, elles pourraient être utilisées de manière plus rationnelle, en ne répondant plus à la logique capitaliste néolibérale d’extraction et d’exportation. Rien que cette année, cent projets miniers ont été approuvés, pour un montant net d’environ 20 milliards de dollars. Si on nationalisait, on pourrait réduire l’exploitation et lui donner une valeur ajoutée, en produisant les dérivés du cuivre. Le Japon n’a pas de mines de cuivre, mais il possède de nombreuses raffineries. Ce sont des technologies propres qui n’émettent aucune émission dans l’air. Celles qui restent au Chili datent des années 1960 et sont très polluantes. Une autre partie des bénéfices peut être consacrée au développement d’une économie de la connaissance, mais il faudrait beaucoup investir dans l’éducation, l’innovation et le développement, pour ne plus dépendre à l’avenir des matières premières.

Nous pourrions fabriquer des batteries au lithium de haute technologie qui ne produisent aucun effet de serre. Les voitures électriques produites par la société étasunienne Tesla consomment trois fois plus de cuivre qu’un véhicule ordinaire. Un responsable de la banque Goldman Sachs a déclaré que le cuivre était le pétrole du futur. La décarbonisation de l’énergie, toute cette tendance dans le monde à réduire sa dépendance aux énergies fossiles, ces nouvelles technologies pour produire une énergie non polluante, éolienne, solaire, hydroélectrique, tout cela passe par le cuivre, car il transmet l’énergie, et le lithium l’accumule.

« Le propriétaire de Tesla, Elon Musk, a été complice de la déstabilisation et du coup d’État en Bolivie »

Evo Morales a été victime d’un coup d’État, parce qu’il avait signé des accords avec des entreprises allemandes pour la production de batteries au lithium et de voitures électriques. Le propriétaire de Tesla, Elon Musk, a été complice de la déstabilisation et du coup d’État en Bolivie, comme l’a déclaré récemment le président Luis Arce. Elon Musk avait dit qu’il n’autoriserait pas la concurrence, et encore moins celle d’un État-nation. Luis Arce a gagné les élections, et il y a désormais des accords avec l’Argentine pour industrialiser ce minerai, en intégrant les communautés proches de l’exploitation pour générer moins d’impacts environnementaux.

Vous avez lancé un manifeste qui est un appel à « renationaliser le Chili et créer un modèle d’industrialisation post extractiviste ». Pourquoi certains mouvements écologistes ont-ils refusé de le signer ?

Ils disent que, s’il y a un contrôle étatique ou public, c’est comme changer de patron. Je ne suis pas d’accord, même si je comprends leur inquiétude parce que l’État a presque toujours été administré par le pouvoir économique capitaliste. De plus, il existe des tensions à gauche en Amérique latine, à propos de l’extractivisme, car certains estiment que les politiques de la Bolivie, de l’Équateur et du Venezuela ont poursuivi la logique néo-développementaliste. Il faut ouvrir un débat public à propos de ce sujet complexe. Mais, au final, cela dépend de la volonté de ceux qui gouvernent. La démocratie directe peut nous permettre que l’État soit au service du peuple. C’est un des nos objectifs à la Constituante. L’État doit être garant des droits sociaux, comme le droit à des soins de qualité, à l’éducation, au logement et aux retraites. Seul un État-nation soutenu par un peuple pourrait exproprier BHP, la plus grande société minière transnationale, qui a autant de patrimoine qu’un petit pays d’Amérique centrale.

Comme la plupart des protagonistes de la rébellion d’octobre 2019, vous considérez que l’accord de paix du 15 novembre retire la légitimité à la Convention constituante, mais qu’il faut tout de même agir à l’intérieur de cette instance. Pourquoi ?

Ce n’est que par la pression sociale qu’il sera possible de changer ces règles (notamment le fait que les propositions de changement doivent être votées par les deux tiers des constituants, ndlr), et obtenir une assemblée constituante souveraine. Ces limites sont illégitimes et nous devons les supprimer une fois que la Convention sera installée. Un plébiscite populaire pourrait être organisé pour les propositions adoptées uniquement à la majorité simple. On encouragerait ainsi la démocratie directe, en suivant le modèle suisse, et en ajoutant quelques éléments qui ont émergé en Amérique latine avec les référendums révocatoires et les budgets participatifs. En Suisse, tout traité international et toute réforme constitutionnelle doit être approuvé par plébiscite. Les citoyens devraient aussi pouvoir présenter des projets de loi et opposer leur veto à des lois qu’ils considèrent comme injustes.

Propos recueilli par Angèle Savino

Photo de une : La plus grande manifestation du Chili a réuni 1,2 million de participant.e.s à Santiago, le 25 octobre 2019. Les manifestants demandaient, entre autre, l’élection d’une nouvelle assemblée constituante / Hugo Morales, via Wikimédia Commons CC BY-SA

Une Constituante pas totalement souveraine

Après avoir été reportées en raison de la crise sanitaire, les élections pour l’organisation d’une Convention constitutionnelle auront finalement lieu au Chili les 15 et 16 mai, parallèlement à des élections régionales et municipales. Cette convocation est une victoire politique en soi, car elle doit mettre fin à la loi fondamentale actuelle promulguée sous la dictature militaire d’Augusto Pinochet en 1980. Elle est le résultat direct des mobilisations massives de 2019.

Un an après la « rébellion d’octobre », les Chiliens avaient accepté par référendum le 25 octobre, à une très forte majorité, la rédaction d’une nouvelle Constitution pour réaliser des changements structurels dans le système politique, économique et social du pays. Les listes sont dirigées par des femmes en alternance avec des hommes. Sur les 155 sièges, dix-sept sont réservés aux représentants de neuf peuples autochtones.

Le 15 novembre 2019, les partis au pouvoir et une partie de l’opposition s’étaient mis d’accord sur les règlements qui régiront la rédaction de la Constitution et le fonctionnement interne de la Convention. L’une des décisions les plus contestées de cet accord est celle qui stipule que chaque proposition doit être approuvée avec un quorum de deux tiers des membres. Le pouvoir de veto aux mains d’un seul tiers de l’hémicycle risque de freiner les mesures de transformation sociale, mais peut aussi bloquer des mesures ultra-conservatrices.

L’accord a été protégé par la loi n° 21200, promulguée par le président Piñera le 23 décembre 2019. Les délégués constituants ne pourront pas discuter et approuver leurs propres règles de fonctionnement. En outre, l’article 135, ajouté dans la réforme constitutionnelle, limite la possibilité de revoir les traités internationaux en vigueur dans le nouveau texte constitutionnel. Pour Pablo Sepulveda, candidat des mouvements sociaux, c’est d’ailleurs « pourquoi le président Sebastian Piñera veut signer l’Accord de partenariat transpacifique avant qu’une nouvelle Constitution ne soit écrite ».

Les élections législatives prévues en novembre de cette année peuvent avoir un impact important sur les règles du jeu, car la Convention constitutionnelle a jusqu’à un an pour rédiger la nouvelle Constitution. Actuellement, Daniel Jadue, maire communiste du quartier de la Recoleta, à Santiago, et l’écrivaine et députée du Parti humaniste Pamela Jiles sont en tête des sondages. Ils représentent une gauche alternative à celle qui a gouverné pendant la période dite de la « concertation » après la dictature.

Initialement prévues le 11 avril, les élections à la Convention ont été reportées en raison de la forte recrudescence des contaminations au Covid-19. Selon le gouvernement, il n’était pas possible d’assurer de bonnes conditions sanitaires, ni une participation suffisante. Entre-temps, 100 candidats issus des mouvements sociaux ont exigé la démission du président Piñera en raison de sa mauvaise gestion de la crise sanitaire. Plus de 26 000 personnes sont mortes des suites du Covid dans ce pays d’environ 19 millions d’habitants.

Angèle Savino
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