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FOLIO DU BLANC-MESNIL
24 avril 2021

Benoît Hamon : «Je préfère la maison de brique, celle de l’unité»

benoit regis

Benoît Hamon : «Je préfère la maison de brique, celle de l’unité»
👉 son interview du jour dans Libération : https://www.liberation.fr/.../hamon-je-prefere-la-maison.../
L’ancien candidat à la présidentielle exhorte socialistes, écologistes et insoumis à réaliser une union dès le premier tour en 2022. Il propose que la société civile «pilote» la discussion autour du programme, en commençant par la question des inégalités.
Le 17 avril, à l’initiative de Yannick Jadot, Europe Ecologie-les Verts (EE-LV), le Parti socialiste (PS), La France insoumise (LFI), et le Parti communiste (PCF) se sont retrouvés pour discuter de 2022. Parmi les vingt participants, Benoît Hamon.
L’ancien candidat socialiste à la présidentielle est sorti en mettant en garde : «Une candidature qui regroupe les écologistes et les socialistes, ce n’est pas une candidature commune, c’est un remake de la dernière présidentielle.» Pas question donc de crier victoire sans les insoumis.
Celui qui entend jouer l’avocat de l’union considère pourtant que, malgré les désaccords et les tensions, le rassemblement est encore possible, tout simplement parce qu’il est nécessaire. Selon lui, il faut choisir des «tiers de confiance», issus de la société civile, pour permettre l’entente.
Qu’avez-vous pensé de la réunion des gauches la semaine dernière ?
Soyons honnêtes, plusieurs acteurs sont sortis de cette réunion comme ils y étaient entrés, convaincus que ça ne marcherait pas. Ce scepticisme est perceptible dans la vitesse avec laquelle les socialistes ont proposé un accord entre eux et les écologistes dans l’espoir que ce mariage rende obsolète la candidature de Jean-Luc Mélenchon.
Symétriquement, La France insoumise avance que son candidat est en tête dans tous les sondages et pense qu’il doit incarner devant les Français une gauche de rupture. Si on en reste à ces stratégies, un candidat insoumis plus un candidat de la social-écologie, on rejoue le match de 2017 avec une candidature communiste en plus. Si on fait le quart ou la moitié de l’unité, c’est l’échec.
Il n’y a pas vraiment d’envie de «faire ensemble» ?
Si cette réunion a eu lieu, c’est que tous ceux qui étaient présents pensent que l’unité est nécessaire. Je ne dis pas qu’ils sont insincères mais si on se réunit seulement pour se dire que «c’est trop compliqué» et que ça n’ira pas plus loin, c’est une faute. A quoi sert une réunion si elle se limite à entendre l’énoncé des stratégies des uns et des autres sans possibilité d’un dialogue ?
Je ne me suis pas rendu à cette réunion pour entendre des éléments de langage que je lis déjà dans la presse mais pour voir si les uns et les autres étaient prêts à sortir de leurs zones de confort respectives, prêts à fabriquer un projet commun, prêts à identifier les désaccords qui nécessitent un travail approfondi, prêts à répondre ensemble à l’urgence climatique, sociale et démocratique.
Qu’est ce qui bloque ? Les sujets de fond ou les ego ?
Je veux relativiser la question des ego. Il y a un surmoi des appareils qui les amènent à préférer leur propre survie à ce qui relève de l’intérêt général mais il y a aussi des désaccords stratégiques. Forcément, des ambitions sont nourries par ces désaccords mais ils sont souvent factices. Prenons l’Europe. Elle divise la gauche depuis longtemps. La France insoumise veut un dépassement des traités
.
Cette position est-elle toujours incompatible avec un engagement européen ?
Non. La preuve est donnée par Emmanuel Macron lui-même qui refuse que la France se plie aux traités sur la conservation indifférenciée par l’Etat de nos données personnelles. Le Conseil d’Etat parle d’engager un «dialogue rugueux» avec l’Europe. Manière diplomatique de désobéir aux traités.
Je propose d’unir la contestation du projet néolibéral majoritaire en Europe avec l’attachement à une Europe unie en reprenant la proposition de Joe Biden de créer une imposition minimale des multinationales sans attendre l’accord unanime des pays de l’Union.
En attendant, vous semblez ne pas vraiment avoir été convaincu par la réunion du 17 avril… A ce stade, l’union est-elle encore envisageable ?
Après la réunion, j’ai parlé avec plusieurs personnalités du mouvement social et des intellectuels. J’ai été frappé par leur ton. Ils disent : «A quoi cela sert-il que nous réfléchissions avec vous, si c’est pour être certains que nos idées seront sans effets puisque vous rejetez la seule stratégie qui peut gagner : l’unité.» Ils n’ont pas tort.
L’unité est le seul moyen d’être au second tour de l’élection présidentielle. A deux reprises en 2017, cette question s’est posée à Jean-Luc Mélenchon et à moi-même. Au lendemain de ma victoire à la primaire de la gauche puis, plus tard, dans la campagne. Au moment où nous avons parlé, nous avons convenu qu’il était trop tard. Aujourd’hui, nous avons le temps pour agir.
L’union est nécessaire certes, mais comment y parvenir ?
Il faut injecter des acteurs nouveaux, de la société civile. Si on reste dans un face-à-face entre acteurs politiques qui se méfient les uns des autres, on ne s’en sortira pas. Pour qu’il y ait de l’intelligence collective, il faut un tiers de confiance qui exerce une pression et un contrôle sur les acteurs politiques. Invitons à nos débats la société civile organisée, celle qui pétitionne et argumente sans relâche pour l’unité. Le collectif «2022 ou jamais» me semble être bien placé pour piloter la discussion autour des programmes.
Commençons par le thème des inégalités. Les inégalités sociales, scolaires, de genre ou de territoires. C’est par là que la République a commencé à se déliter. N’offrons pas à Emmanuel Macron le cadeau de nos divisions quand il aborde la laïcité et les toxicomanies sous un angle ultraconservateur. Le projet de transition solidaire et écologique de la gauche et des écologistes incarne par essence la «res publica», la chose publique et l’intérêt général.
Vous parlez de l’union comme d’une formule gagnante mais si on additionne les voix de gauche aujourd’hui, la victoire n’est pas assurée. Pourquoi la gauche est-elle si faible aujourd’hui ?
Parce qu’au moment où nous nous parlons, elle est culturellement minoritaire. Le débat s’est déplacé de la question sociale à la question identitaire. L’angoisse d’être rattrapé par plus déshérité que soi pousse des millions de travailleurs à négliger les inégalités qui les éloignent inexorablement des plus riches, caste trop puissante et trop inaccessible pour être combattue.
Cette angoisse les pousse aussi à dénoncer, plus près d’eux, les «assistés», les «paresseux», les «profiteurs» voire une «cinquième colonne», les étrangers qui fragiliseraient notre contrat social. Insidieusement d’abord, au grand jour désormais, notre société s’est mise à chercher du côté des musulmans l’origine de tous ses problèmes.
Aujourd’hui, les racistes seraient ceux qui militent contre les discriminations ! Quelle inversion des valeurs… La bataille est donc culturelle et elle commence par la résistance commune au cauchemar raciste, sexiste et autoritaire qu’incarne la victoire désormais possible de l’extrême droite en 2022.
Le quinquennat Hollande a marqué une fin de cycle à gauche. Depuis, elle semble être en chantier. 2022, ce n’est pas trop tôt ?
Je ne crois pas. A l’évidence, sur la question du changement indispensable de notre modèle de développement, la redistribution des richesses, le travail, l’école ou la culture, la gauche et les écologistes doivent reformuler un projet.
Les choses bougent. Prenons la croissance du PIB. Hier, elle était l’alpha et l’oméga d’une «bonne politique». A quelques exceptions près, toute la gauche et l’écologie ne se revendiquent plus de cette religion de la croissance.
Alors comment gouverner et transformer le pays ?
Avec quels autres indicateurs de santé sociale, de sobriété énergétique, de transformation écologique ? C’est un formidable chantier pour mobiliser les Français derrière une autre manière de mesurer la prospérité d’une nation et le bonheur de ses habitants.
Vous parlez souvent du «récit émancipateur» que la gauche doit proposer. C’est comme ça qu’elle donnera envie ?
Faute d’un grand récit émancipateur, beaucoup se rallient aux passions négatives. La question, c’est comment chacun d’entre nous s’épanouit, positionne son propre bonheur par rapport à la situation globale dans laquelle nous sommes aujourd’hui à cause de l’activité humaine.
Le philosophe Emmanuel Levinas expliquait que c’est en répondant d’autrui qu’on prend pleinement conscience de notre humanité. A l’ère de la révolution numérique, le travail chosifie les salariés de plus en plus. La théorie économique dominante nous dit que chaque acteur agit en fonction de ses intérêts égoïstes et de leur maximisation.
Il faut donc qu’on réfléchisse, la gauche et les écologistes, à la façon dont on peut répondre d’autrui de manière heureuse. Pour cela, je pense qu’on doit repartir du début et le début, c’est l’éducation. Je plaide pour continuer la réduction du temps de travail, en proposant une sixième semaine de congés payés, éducative.
Cette sixième semaine de congés payés serait ouverte à ceux qui voudraient «retourner» une semaine sur les bancs de l’école. Sur le modèle de la højskole danoise vieille de deux cents ans, on proposerait; en partant des demandes de savoirs des Français, de leur offrir des enseignements intergénérationnels et ouverts sur les sciences, la philosophie, l’histoire, la culture…
Ce projet, il faut quelqu’un pour l’incarner. Qui vous paraît le mieux placé aujourd’hui ?
Je veux croire que ceux qui sont candidats ont tous tiré les leçons de l’anachronisme de la Ve République à l’heure où les défis climatiques et sociaux appellent l’intelligence collective des nations. Je leur prête les qualités qui sont celles d’un Président ou d’une Présidente qui devra changer les institutions pour en finir avec la conception boursouflée et immature de l’homme (ou de la femme) providentiel.
Je ne psychologise pas l’élection de la Ve. J’attends juste qu’il ou elle se soit préparé(e) à l’incroyable difficulté de la tâche. Et pour moi le critère de cette préparation, c’est la place du collectif et le désir sincère d’unité. Je suis comme dans le conte des trois petits cochons. Les loups dehors sont nombreux. La maison de paille et la maison de bois représentent les stratégies qui font le pari que la force d’un candidat fera céder les autres. Je préfère la maison de brique : celle de l’unité sur la base d’un projet commun.
Quel rôle voulez-vous jouer ?
L’avantage, c’est que je peux parler à tout le monde. J’ai été candidat, je sais ce que c’est, mais je ne le suis pas [pour 2022]. Je sais d’autant plus ce que c’est que ma campagne a été très particulière, dans un contexte lourd de défiance et de trahisons innombrables. Ce cuir me donne une expérience que je peux partager.
Je dis ce qui me paraît bon. Comme les citoyens écologistes et de gauche, je pense que ce qui est bon est ce qui est nécessaire : l’unité de la gauche et des écologistes dès le premier tour.
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