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FOLIO DU BLANC-MESNIL
7 décembre 2020

En colère, des membres de la Convention citoyenne boycottent le gouvernement Article de Reporterre

 

arbre et citoyen

7 décembre 2020 Gaspard d’Allens (Reporterre)

     

Alors que le projet de loi sur la Convention citoyenne va être dévoilé très prochainement, les mécontentements fusent de toutes parts pour dénoncer le manque d’ambition et le défaut de concertation du gouvernement. Des citoyens et des citoyennes ont décidé de boycotter la dernière concertation prévue par les ministères.

Les échéances se rapprochent et la tension devient de plus en plus palpable. La semaine qui s’annonce va être décisive pour la Convention citoyenne pour le climat. Selon plusieurs sources, le gouvernement envisage de présenter le futur projet de loi le jour de l’anniversaire des cinq ans de l’accord de Paris, samedi 12 décembre. Pour l’instant, aucun document n’a fuité dans la presse mais « 95 % du texte a déjà été validé au sein des ministères, assure le député Mathieu Orphelin à ReporterreDes membres de l’exécutif m’ont dit que le projet de loi sera transmis au Conseil d’État dès jeudi prochain », alerte-t-il.

Sur les 80 articles qui composent le texte, quelques mesures restent encore à arbitrer, selon l’aveu même du Président de la République. Interrogé sur le média en ligne Brut, vendredi 4 décembre, il a reconnu que tout n’était pas finalisé. Au cours de l’interview, il s’est même demandé s’il était opportun de rendre obligatoire la rénovation thermique des bâtiments mal isolés comme l’exigeait la Convention citoyenne pour le climat. Sa réponse laconique semblait dire que non. De nouveaux « jokers » pourraient donc apparaître cette semaine et l’inquiétude des conventionnaires se fait de plus en plus ressentir. Elle se mêle désormais à la colère.

« On est tous prudents sur ce qui va sortir, prévient Grégoire Fraty, un des citoyens. On sait qu’on risque d’être déçus mais on ne sait pas encore à quel degré. C’est ça qu’il va falloir jauger. » Certains ne mâchent plus leurs mots. « On nous prend vraiment pour des truffes », s’emporte Yolande Bouin. « On commence à être fatigués, enchérit Agnès Cataire. Le gouvernement nous met au pied du mur et on sert de faire valoir. » À l’origine, cinq groupes composaient la Convention citoyenne : se nourrir, se loger, se déplacer, consommer, produire et travailler. Le citoyen Sylvain Burquier se demande ironiquement sur Twitter, s’il n’en manque pas un : le groupe, « se faire balader ».

« Ce n’était pas de la concertation, c’était un tribunal »

Ces derniers jours, ce n’est pas tant le fond que la forme qui a mis le feu aux poudres. Les citoyens et les citoyennes regrettent que l’élaboration du projet de loi avance dans l’opacité, sans réel partage ni transparence. À l’origine, l’exécutif avait promis le contraire. Fin juillet, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, avait annoncé « une vaste concertation » et vanté « un processus complètement inédit »Dans un entretien au journal Le Monde, elle avait déclaré :

Je préfère qu’on prenne le temps de coélaborer la préparation de ce projet de loi plutôt que de vouloir aller trop vite et de le bâcler. On va préparer ce projet avec les parlementaires et les citoyens, ce qui est assez nouveau, y compris en associant les parlementaires en amont.

Le 4 décembre, Emmanuel Macron a critiqué les espoirs de la Convention citoyenne pour le climat.

Quelques mois plus tard, la désillusion est grande. « En réalité, le gouvernement a gardé le monopole de la communication et il est resté très flou sur ce qu’il allait faire, déplore Grégoire Fraty. On aurait espéré avoir un peu plus le nez au dessus de la personne qui écrit la loi. Mais ça n’a pas été le cas. » Il souligne « des maladresses sur la méthode » : les réunions de travail n’ont pas donné lieu à de véritables débats. « Les concertations se sont muées en de simples consultations, voire présentations », dit-il.

Une autre citoyenne, Mélanie Cosnier, en garde de très mauvais souvenirs. « On était trois ou quatre citoyens face à près de 70 lobbyistes à chaque fois. Ce n’était pas de la concertation, c’était un tribunal. On nous a accusés d’avoir proposé des mesures liberticides », raconte-t-elle, amère. Les associations environnementales, elles, avaient refusé de participer à « cette mascarade » depuis le début, boycottant le processus, dénonçant le détricotage des mesures tout au long de cet automne.

« C’est la démocratie participative à la papa : on fait semblant de discuter »

Une ultime « concertation » est prévue cette semaine, lundi 7 et mardi 8 décembre, par le gouvernement. Les citoyens et les parlementaires ont été invités il y a quatre jours à une série de réunions en visioconférence présidées par plusieurs ministres. Aucun document n’a été transmis. En apprenant la nouvelle, le député Mathieu Orphelin, très impliqué dans le suivi des travaux de la Convention, est sorti de ses gonds : « On nous met devant le fait accompli ! Cette coconstruction est une farce, les arbitrages sont déjà pris ! » s’est-il emporté au téléphone. « J’ai également appris que les réunions se tiendront, tenez-vous bien, sans le projet de loi, alors qu’il est déjà écrit. La concertation avec les parlementaires, les citoyens et les acteurs, c’est tout sauf cela. »

Le député du Maine-et-Loire a jugé cet épisode à la fois « triste et prévisible ». Mi-octobre, lors de la dernière réunion sur le projet de loi, les parlementaires et les citoyens s’étaient vus présenter le chapitrage du texte de loi qui reprenait mot pour mot les cinq groupes de travail des citoyens. « Ils nous ont fait débattre sur le titre des parties sans annoncer aucune mesure. C’était ridicule. Nous, on voulait discuter du détail des propositions. »

Sur Twitter, un des garants de la Convention citoyenne, Cyril Dion a, lui aussi, moqué « une méthode qui ressemble à la démocratie participative à la papa : on fait semblant de discuter d’un truc déjà écrit ». Vendredi dernier, le réalisateur a été vivement critiqué par le chef de l’État lors de son interview sur le média en ligne Brut. Emmanuel Macron l’a accusé de trahison. « Ce n’est pas honnête de sa part de faire des caricatures en disant, [que les mesures de la Convention citoyenne pour le climat] sont à prendre ou à laisser », a-t-il déclaré

Le lendemain, dans une tribune parue dans Le Monde, Cyril Dion contre-attaquait. Il enjoignait au président de la République de « respecter sa parole » et lui rappelait qu’il avait à l’origine promis de soumettre les propositions de la Convention « sans filtre ».

Le rapport de force grandit. Le mois dernier, Cyril Dion a lancé une pétition qui a recueilli plus de 330.000 signatures. Comme nous l’indiquait le réalisateur dans un long entretien cet été« on entre maintenant dans une bataille avec un gouvernement foncièrement pas écolo » : « il faut lui mettre une pression maximum ».

« Le gouvernement veut juste instrumentaliser les citoyens »

Parmi les membres de la Convention citoyenne, on s’interroge encore sur la démarche à suivre. En interne, les débats sont vifs même si « on est tous 100 % mécontents », souligne Agnès Cataire. Certains, comme elle, ont décidé de boycotter les futures réunions. « Ça fait très longtemps qu’on explique au gouvernement qu’on a une vie professionnelle et familiale en dehors de la Convention et qu’on leur demande d’être prévenus à l’avance, dit-elle. Là, le gouvernement fait tout le contraire. On a reçu l’invitation à la dernière minute, on n’a pas d’ordre du jour ni de documents. On ne peut pas travailler de cette manière, se plaint-elle. Le gouvernement veut juste instrumentaliser les citoyens. »

Grégoire Fraty, lui, ira à la réunion. Il se dit pragmatique. De son côté, William Aucant affirme être « médusé » mais n’aimant pas « la politique de la chaise vide », il ira aussi, sans joie et sans grand espoir. Chez les citoyens et les citoyennes, l’enthousiasme des premiers mois a cédé le pas au désenchantement. La démocratie participative est entrée en collision avec la realpolitik.


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