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FOLIO DU BLANC-MESNIL
27 septembre 2020

Le bonus aux héritiers de La République en Marche: une gifle pour la France populaire.

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Le bonus aux héritiers de La République en marche : une gifle pour la France populaire

POINTS DE VUE 22 septembre 2020

Une exonération de 100 000 euros par enfant de droits de donation a été votée cet été. Une mesure choquante dans une période de crise profonde et contradictoire avec le discours de la majorité sur « les inégalités de destin », qu’elle renforce. Le point de vue de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

REVENUS ET PATRIMOINE

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Les parents fortunés vont pouvoir transmettre 100 000 euros supplémentaires à chacun de leurs enfants sans que ces derniers ne paient d’impôts, à condition qu’ils créent ou développent une entreprise de moins de 50 salariés, ou qu’ils construisent ou réalisent des travaux d’économie d’énergie dans leur maison. La loi a été adoptée début août en pleine trêve estivale. Cette mesure constitue une gifle aux catégories populaires marquées par la forte progression du chômage et de la pauvreté liée à la crise sanitaire. Ce vote souligne la duplicité du discours d’une majorité qui répète qu’elle veut réduire les « inégalités de destin », tout en permettant aux plus aisés d’accumuler encore plus, et donc de reproduire les inégalités de revenus.

Les parents aisés peuvent jusqu’au 30 juin 2021 transmettre jusqu’à 100 000 euros supplémentaires sans fiscalité. Comprenez bien : dans l’année qui vient, chaque parent concerné va pouvoir donner 100 000 euros à chacun de ses enfants (ou neveu et nièce s’ils n’ont pas de descendants). La mesure est aussi valable pour les grands-parents et arrière-grands-parents [1]. Ces donations peuvent donc se cumuler : un enfant peut par exemple recevoir jusqu’à 200 000 euros de ses parents, 400 000 euros de ses grands-parents sans avoir à payer de droits de succession pour des donations qui peuvent donc se monter à près d’un million d’euros.

Chaque parent… qui en a les moyens. Avant ce bonus estival, une famille composée d’un couple et de deux enfants pouvait déjà transmettre facilement plus d’un million d’euros sans impôt sur les successions. Rappelons qu’en France, la moitié des ménages (donc souvent des couples) possèdent moins de 110 000 euros de patrimoine. Ce cadeau fiscal ne concerne donc qu’une poignée de familles très aisées. Il porte à au moins 1,5 million le patrimoine qu’un couple peut transmettre à ses héritiers sans taxation. Après avoir démantelé l’impôt sur la fortune, le gouvernement supprime donc quasiment la taxation de l’héritage entre descendants directs, sauf pour une partie infime de la population : les enfants de ceux qui disposent d’un capital de plusieurs millions d’euros.

La seule condition du nouveau bonus, on l’a dit, est que les donataires doivent s’engager à construire leur résidence principale, à réaliser des travaux énergétiques, ou à développer (ou créer) une entreprise : il ne répond en rien aux besoins des PME en difficulté, à la nécessité de la transition écologique ou à l’ampleur des besoins dans la construction. Il s’agit tout simplement d’une niche fiscale supplémentaire déguisée qui favorise l’accumulation des richesses. Ce pur effet d’aubaine a été salué comme il se doit par la presse financière. « La mesure devrait réjouir ceux qui veulent transmettre leur patrimoine dans de bonnes conditions », note le journal Les Echos [2]. « Pas de mauvaise surprise cet été en matière de fiscalité pour les ménages. Au contraire », assurait BFM le 31 août.

La mesure donne de l’eau au moulin de ceux qui se focalisent sur une poignée de riches, pratique que nous critiquons par ailleurs régulièrement. Ce n’est qu’un nouvel exemple d’une politique menée depuis trois ans. Elle choque d’autant plus que notre pays traverse la plus grande récession depuis la Seconde Guerre mondiale. Des centaines de milliers de personnes perdent leur emploi et craignent pour leur avenir en raison des conséquences économiques de la pandémie de coronavirus. Les jeunes qui sortent de l’école ne savent à quelle porte frapper. Alors qu’un très grand nombre de familles sont inquiètes, comment peut-on chercher à favoriser les plus favorisés ? Cette mesure fiscale constitue une forme de violence sociale choquante, pourtant rares sont ceux qui s’en inquiètent. Elle est passée quasiment inaperçue, à part pour ceux qui vont en profiter.

Hypocrisie

Ce n’est pas tout. Cette mesure est aussi la marque d’une forme du « en même temps » manié par la majorité. Dans les discours, elle combat les « inégalités de destin ». « En même temps », dans la pratique, les mesures qu’elle met en œuvre favorisent leur progression et leur transmission d’une génération à l’autre. Bien au-delà de cette mesure fiscale sur les donations, le plan de relance de 100 milliards d’euros, une toute autre échelle, ne laisse que quelques miettes (environ 800 millions) pour les plus démunis. « Il n’y aura pas de hausse d’impôts » a assuré le premier ministre le 3 septembre 2020. Dans la tourmente, ne demandons surtout pas d’efforts aux catégories aisées.

Comment peut-on imaginer que ceux dont le destin est fracassé par la crise vont comprendre ces mesures ? Comment penser que ce type de mesure pourrait passer pour anodine, sans laisser de trace ? La même faute politique qui a été faite à l’été 2017 avec la quasi-suppression de l’impôt sur la fortune se reproduit. La mesure a été votée et ce n’est pas une tribune de l’Observatoire des inégalités qui va susciter une vague d’indignation nationale. Mais les députés de la majorité devraient un jour réfléchir aux valeurs qu’ils portent et au sens de la justice pour le pays.

La France fait face à une situation historique. Le 13 avril dernier, en pleine crise, le président nous annonçait dans une allocution télévisée avec hauteur de vue qu’il allait se « réinventer ». On voulait le croire : la majorité avait alors l’occasion de mener des politiques prenant en compte les besoins des classes populaires et moyennes. Elle n’en a rien fait. Les mots ne sont pas juste des mots, ils ont un sens pour ceux qui les entendent, pour les millions de Français qui l’ont écouté. Ce double jeu ne passe pas inaperçu et déprécie ceux qui les profèrent. Les plus pauvres auront raison de rappeler à La République en marche ses responsabilités.

Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités

 

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