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FOLIO DU BLANC-MESNIL
19 juillet 2018

LE GOUVERNEMENT ENVISAGE DE REDUIRE LE BUDGET DE LA PROTECTION DE LA BIODIVERSITE. UN ARTICLE REPORTERRE

Le gouvernement envisage de réduire le budget de protection de la biodiversité

4 juillet 2018 Baptiste Giraud (Reporterre) 

      

Alors que Nicolas Hulot doit annoncer ce mercredi son « Plan biodiversité », un rapport publié début juin relève le fossés entre les objectifs de préservation de la biodiversité fixés par l’État et les moyens qui lui sont alloués… avant de recommander de revoir à la baisse ces objectifs, de mutualiser les établissements et de supprimer des postes.

« Cela fait des mois que l’on n’arrête pas de dire qu’il y a un problème d’effectifs. Le voir écrit aujourd’hui dans un rapport signé par des inspecteurs des finances, cela montre que ce n’était pas que du délirium de syndicalistes. » Patrick Saint-Léger, secrétaire général du Syndicat national de l’environnement-FSU, comme les autres syndicats mobilisés (CGTFO), se saisit comme il peut de ce nouveau rapport, cosigné de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable.

En mars dernier, les agents du ministère de la Transition écologique et solidaire manifestaient aux côtés des cheminots contre la baisse des effectifs et la dégradation de leurs conditions de travail. Les syndicats demandaient (et demandent toujours) des moyens humains et budgétaires supplémentaires (estimés dans un rapport de 2016 à plus de 200 millions d’euros) pour que le service public de l’environnement (Agence française de la biodiversité [AFB], agences de l’eau, Office national de la chasse et de la faune sauvage [ONCFS], directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement [Dreal], directions départementales des territoires [DDT]…) puisse assurer ses missions convenablement.

Des missions rendues « théoriques » faute de moyens

Pendant ce temps-là se déroulait une mission interministérielle relative à ces mêmes « opérateurs de l’eau et de la biodiversité ». Et, à l’arrivée, le rapport sur « l’avenir des opérateurs de l’eau et de la biodiversité » publié début juin, relaie l’alarme des syndicats. Il constate l’incohérence entre un « objectif particulièrement ambitieux » (la « reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » de la loi Biodiversité de 2016) et « la faiblesse, sinon l’absence, de moyens correspondants ». Il critique même sèchement la gestion passée en affirmant que « le paysage actuel est affecté par : des objectifs dont l’accumulation, au fil des rendez-vous politiques et législatifs, remplace la recherche d’une cohérence globale ; des outils d’optimisation mal ou non utilisés ; et une tutelle n’exerçant pas toutes ses responsabilités ».

Selon les rapporteurs, « le périmètre et les moyens actuels de l’AFB rendent plus que théorique la mission de police que l’agence est supposée assurer », tandis que du côté des parcs naturels marins « les effectifs permanents de cinq parcs [sur 9] sont tellement faibles — de trois à onze agents — qu’ils mettent en cause leur existence, et partant la parole publique ».

Le rapport sur « l’avenir des opérateurs de l’eau et de la biodiversité » d’avril 2018.

Une certaine logique mènerait à dire qu’il faut donc, en conséquence, augmenter les moyens et effectifs alloués à ces services. Mais ce n’est pas ainsi que raisonnent les auteurs du rapport. Car leurs recommandations consistent à amoindrir les missions de certains opérateurs, à mutualiser ou fusionner des structures, afin de s’aligner sur la faiblesse des moyens disponibles. Ainsi, les six agences de l’eau (déjà amputées d’une partie de leur budget) devraient-elles accélérer leurs mutualisations et fusionner deux par deux, de même que certains parcs naturels nationaux, tandis qu’une partie des missions des services de l’État (Dreal, directions départementales des territoires et de la mer [DDTM], directions interrégionales de la mer [Dirm]…) seraient transférées aux régions.

Un rapport calibré pour la réduction des dépenses publiques

Il faut dire que la mission assignée aux deux inspecteurs des finances et trois ingénieurs des ponts, eaux et forêts, consistait à faire le bilan des tentatives de mutualisation fixées par la loi de 2016, et proposer de nouvelles pistes d’économies. « L’ensemble de vos propositions auront vocation à alimenter les réflexions lancées dans le cadre du programme “Action publique 2022” », écrivaient dans la lettre de mission Nicolas Hulot, ministre de Transition écologique et solidaire, et Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. Ce programme, qui fait lui-même l’objet d’un rapport remis par un « comité d’experts », prévoirait une baisse de 30 milliards d’euros des dépenses publiques d’ici 2022, ainsi que la suppression de 120.000 postes de fonctionnaires (conformément à une promesse de campagne d’Emmanuel Macron).

« J’ai l’impression de revivre la RGPP [révision générale des politiques publiques, un programme de baisse des dépenses publiques lancé par Nicolas Sarkozy en 2007], témoigne Zainil Nizaraly, syndicaliste à la Fédération de l’équipement, l’environnement, des transports et des services (Feets-FO), mais en plus fort : des suppressions d’emplois publics, des missions abandonnées, et une logique de prise de décisions entre experts et en catimini, qui s’imposent de façon autoritaire. »

Outre toute une série de « petites » mesures (mais néanmoins symboliques et qui pourraient avoir des conséquences importantes, comme l’indexation de la part variable de la rémunération des directeurs sur les mutualisations et économies réalisées), le rapport s’attarde sur l’AFB et l’ONCFS, et dresse plusieurs scénarios : fusion des deux, mise sous la tutelle totale ou partielle des préfets de départements, création d’un nouvel organisme chargé des missions de police de l’eau et de la nature, ou encore dévolution de certaines missions de police aux fédérations départementales de chasseurs. Des pistes dont les syndicats acceptent de discuter, sauf la dernière : « Confier les missions de police à une fédération d’usagers, c’est comme confier le contrôle des produits phyto à la fédération des produits phyto, ou la police routière à un automobiliste-club », réagit Patrick Saint-Léger.

Un système de redevances comme « outil de fiscalité environnementale »

Point positif, le rapport préconise une évolution du système de redevances (constitué aujourd’hui uniquement de redevances sur l’eau) « pour en faire un réel outil de fiscalité environnementale ». Il est question de faire payer aux services d’assainissement des collectivités une « redevance pour pollution domestique », d’en créer une « assise sur les ventes d’engrais minéraux azotés », et d’augmenter celle pour « pollutions diffuses agricoles ». Ou encore de suivre les recommandations d’un autre rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), datant de juillet 2016, qui proposait une taxe assise sur « les changements d’affectation des sols, qui portent atteinte au patrimoine naturel et à la biodiversité » (par exemple, une taxe sur les surfaces artificialisées).

Du côté de France Nature Environnement (FNE), le jugement est nuancé. « Nous partageons complètement le constat, les politiques de l’eau et de la biodiversité sont le résultat d’agglomérations de stratégies qui n’ont pas été réfléchies de manière cohérente, explique Christian Hosy, coordinateur du réseau biodiversité à FNEMaintenant, il faut être vigilant sur l’utilisation qui va être faite du rapport : l’approche ne peut pas être purement comptable, et ne doit pas minorer le volet augmentation des moyens. »

Des agents de l’ONCFS contrôlant des chasseurs, dans l’Aude, en 2010.

Au moment de la publication de ce rapport, Nicolas Hulot écrivait ouvrir « des concertations des différentes parties prenantes ». En fait, une simple adresse électronique à laquelle les volontaires peuvent envoyer leur contribution. « C’est un peu léger en matière de concertation. Le grand ministère ne pratique pas beaucoup la concertation, ou alors en apparence », remarque Patrick Saint-Léger. Les syndicats attendent donc que des décisions soient annoncées, peut-être début juillet, ou bien seulement à l’automne, au moment de la discussion du projet de loi de finances pour l’année 2019. « On sait que quelque chose va tomber, mais issu du rapport ou pas ? » se demande Zainil Nizaraly.

« Si le plan biodiversité ne dit rien des moyens, c’est l’enterrement total de sa mise en œuvre » 

Surtout, le fait que ce rapport ait été commandé dans le cadre du programme Action Publique 2022 (AP2022« lui donne une force supplémentaire », selon Francis Combrouze, de la Fédération nationale de l’équipement et de l’environnement-CGT« Ce rapport vaudra au titre de AP2022, il se réfère aux feuilles de route des ministres, avec des axes assez précis de compression des dépenses et de réformes. »

C’est dans ce contexte que Nicolas Hulot doit annoncer ce mercredi un « plan d’action interministériel », baptisé « plan biodiversité », visant « à inverser la tendance et à accélérer la mise en œuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité qui court jusqu’en 2020 », expliquait-il en Conseil des ministres fin mai. Or, « si ce plan ne dit rien des moyens, c’est l’enterrement total de sa mise en œuvre », affirme Francis Combrouze. Le Conseil national de la biodiversité, qui a dû se prononcer le 21 juin dernier sur une ébauche du plan, l’a d’ailleurs noté en soulignant « l’absence, à ce stade, d’information sur les moyens tels les moyens budgétaires, fiscaux, législatifs et réglementaires à mobiliser pour la mise en œuvre du plan ».

Des agents de l’ONCFS sur l’Aude, en 2012.

« Il y a un côté ubuesque, enchérit Naizil Nizaraly : On ne peut pas d’une part affirmer une vraie politique de développement, de préservation de la biodiversité et des milieux, et d’autre part réduire à ce point-là les moyens. »

Le « plan interministériel » ne serait-il que la face émergée de l’iceberg, destinée à cacher les coupes budgétaires et réductions d’effectifs dans les services de l’eau et de la biodiversité ? Une première partie de la réponse sera dévoilée ce mercredi par Nicolas Hulot (dont le cabinet n’a pas répondu à nos questions).



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