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FOLIO DU BLANC-MESNIL
4 novembre 2013

ECOTAXE: UNE AFFAIRE HALLUCINANTE

explosif

Article d'ARNAUD PARIENTY, pour la revue ALTERNATIVES ECONOMIQUES .

L'affaire de l'écotaxe révèle les profonds dysfonctionnements du processus législatif et plus généralement, de la prise de décision en France.Les principaux points qui ont été mis en lumière ces derniers ( notamment par une enquête très précise de Martine Orange dans Médiapart, enquête que Folio publiera dans les jours qui viennent) sont les suivants :

  • La taxe n'est pas du tout fonction des rejets de carbone des camions dans l'atmosphère, mais des kilomètres parcourus sur la majorité des routes nationales et certains routes départementales. Malgré son nom, elle vise à faire payer un droit d'usage des infrastructures plus que des dommages à l'environnement.

  • Des portiques enregistrent le passage des camions et permettent de calculer la taxe due. Ce travail de collecte est confié à un entreprise italienne, Ecomouv, pour une rémunération garantie de 250 millions d'euros par an, dans le cadre d'un partenariat publics privé (PPP). Si le gouvernement renonce à mettre en œuvre l'écotaxe, il devra à Ecomouv, une somme de 800 millions d'euros.

Une absurdité économique.

Les conditions de l'appel d'offre ayant conduit au choix d'Ecomouv ont été contestées en justice. Des zones d'ombres importantes entourent ce choix douteux. Des investigations sont nécessaires sur ce sujet. En mettant de coté cet aspect de l'affaire, les deux éléments rappelés ci dessus appellent des commentaires.

Il est totalement aberrant de fonder la taxe sur la seule fréquentation des routes nationales. L'administration a bien tenté d'expliquer que les péages acquittés par les camionneurs pour emprunter les autoroutes tenaient déjà lieu d'écotaxe, mais c'est simplement faux : les péages est fonction du coût d'usage, notamment du fait que le trafic endommage la chaussée. Les camions devraient d'ailleurs sans doute payer bien plus qu'ils ne le font et les voitures beaucoup moins.

Une conséquence évidente de cette absurdité est que les routiers auront intérêt d'abandonner les routes nationale au profit des départementales, non taxées. Voilà qui fera la joie des riverains et améliora la sécurité routière ! Une autre conséquence est que le transport routier va devenir plus onéreux dans les régions qui on t déjà le handicap d'avoir peu d'autoroutes ( notamment en Bretagne), entraînant une distorsion de concurrence au profit des autres régions. Cette situation anarchique est renforcée par le fait que certaines routes nationales ne seront pas équipées en portiques et par l’exonération de fait dont bénéficie la Corse. Certaines régions ont obtenues des rabais, la négociation pouvant même aller jusqu'à savoir si telle route nationale sera exclue du dispositif.

Par ailleurs, la logique d'une écotaxe est de pousser les producteurs à utiliser d'autres moyens de transports et les consommateurs à acheter des produits plus économes en carbone. Mais il faudrait pour cela qu'existe une alternative. Le député écologiste N.Mamére affirmait récemment que , depuis 2009, les entreprises avaient largement eu le temps de s'adapter. En changeant de région ? En pédalant ? Tant que le ferroutage et le fret ferroviaire ne sont pas développés, il n'y a guère d'alternative au transport routier. Et les investissements dans ces domaines ont pris un retard terrible sur les engagements et sur les réalisations de nos voisins.

Une absurdité technique.

Le principe des portiques est manifestement mauvais : il ne permet pas de mesurer correctement les kilomètres parcourus, coûte une fortune ( en moyenne, les coûts de collectes de l’impôt en France sont de 1% des recettes fiscales. Dans le cas de l'écotaxe, on en est à environ 25%!) Or il est tout à fait possible de faire autrement, les camions devant équipés d'une balise GPS à des fins de traçabilité, qui permet Unis, met en place une taxe sur les miles parcourus, alternative à la taxe sur l'essence, en utilisant cette technique, pour la totalité des véhicules à moteur. Les problèmes de confidentialité des données que peut poser ce procédé ont été résolus, mais la mesure n'est pas pour l'instant obligatoire. Plusieurs mécanismes permettent d'éviter que les distances parcourues dans d'autres États soient comptabilisées à tort.

Certains soulèvent également une objection de principe, car confier la perception de l’impôt à une entreprise privée est contraire à toutes les traditions. On pourrait rétorquer que les entreprises sont déjà, à leur défendant chargées de la collecte de la TVA et des cotisations sociales. Il faut avouer aussi que l'administration n'est pas forcement compétente pour gérer des portiques et des balises. Toutefois, il aurait sans doute été possible d'acheter un système et de l'exploiter ensuite, plutôt que de passer par un partenariat public privé qui va coûte 3 milliards d'euros. En Oregon le système est géré par l’État.

Une faute politique

Cette écotaxe est donc, on le voit, un très mauvais impôts. Or, elle a été adoptée à une très large majorité, seuls les communistes s'y opposant, essentiellement par refus du partenariat public privé. Personne n'a soulevé les objections rappelées ci-dessus ( pour juste, un député socialiste a critiqué en séance le fait de limiter le système aux routes nationales). Pour la plupart des parlementaires, apparemment, taxer les poids lourds selon leurs émissions de carbone étant une bonne chose, il est inutile de se perdre dans les détails. Pourtant, sur chaque sujet technique, chaque groupe parlementaire a quelques spécialistes chargés de suivre le dossier, d'intervenir en séance et des d'aider leurs collègues à comprendre de quoi il retourne.

En fait, sans la contestation politique survenue brusquement en Bretagne, nul ne serait allé voir de plus près et il aurait fallu attendre la multiplication des bugs pour l'absurdité de tout ceci apparaisse...ou plus probablement, nous aurions subi pendant des années les effets d'une taxe mal conçue, un économiste publiant de temps à autre dans une revue obscure un papier technique mesurant la perte de bien être résultant de cette incompétence, sans que personne ne s'en émeuve.

Revenons un instant sur le cas de l'Oregon. La méthode suivie a consisté à faire une première expérimentation, puis un deuxième. Pour tester la faisabilité du mécanisme, corriger ses points faibles pour gagner l'adhésion du public. Celle-ci est passée de 21% à 41%, puis à 71%. les associations de protection des libertés individuelles ont été associées au projet, il est toujours possible d'opter pour une taxe forfaitaire. A comparer avec « la méthode «  française : on réunit un grand machin médiatique, appelé Grenelle de l'environnement ( à la suite de quoi le terme « Grenelle de.. ; » est disqualifié pour vingt ans) : on claironne des décisions applicables un an plus tard : puis on annonce le report de l'application car on arrête tout et on se retrouve en chaussettes en pleine campagne et on n'a qu'un an pour satisfaire aux engagements que avions souscrits et même initiés.

Comme me souffle mon épouse perfidement, si les parlementaires cumulaient moins de mandats, ils auraient peut être le temps de faire leur boulot correctement. Et de ne pas laisser les hauts fonctionnaires de Bercy le faire à leur place, en fonction de leurs propes intérêts. Comme on disait dans ma jeunesse tout est politique.

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