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FOLIO DU BLANC-MESNIL
1 février 2013

LE GRAND PARIS, UNE METROPOLE EN MARCHE ? Par Frédéric GILLI

GRANDPARISEXPRESS

 
Trois ans après la loi sur le Grand Paris, l’Île-de-France fait à nouveau l’objet d’un débat parlementaire dans le cadre de la loi prochaine de décentralisation. À l’heure où la région va soumettre un nouveau SDRIF (Schéma directeur de la région d’Île-de-France) à l’enquête publique et alors que le syndicat Paris Métropole s’est installé dans le paysage institutionnel francilien, retour sur les enjeux du débat métropolitain dans la région capitale.
 

 

La modification de calendrier du Grand Paris Express a ému les élus de tous les bords politiques et de tous les territoires d’Île-de-France, même ceux qui n’étaient pas traversés par le futur métro. La portée symbolique de ces nouvelles lignes dépasse la simple infrastructure de transport. Au-delà de l’amélioration du réseau de transport en commun, qui fait débat, ce métro du Grand Paris montre que les élus ont saisi l’urgence d’agir sur le territoire métropolitain pour répondre aux problèmes des Franciliens.

 

La situation actuelle est le fruit d’une lente paralysie de l’Île-de-France, amorcée depuis plus de trente ans. Après les années 1960‑1970, qui avaient vu l’éradication des grands bidonvilles, la construction du périphérique, du RER, de la Défense, de Roissy et l’aménagement des villes nouvelles, la région a vécu sur son élan. Les villes sont restées chacune dans leurs limites. La ville de Paris s’est retranchée derrière le périphérique et les lois sur l’intercommunalité n’ont fait que très peu d’émules dans la région capitale jusque dans les années 2000.

Des mobilisations politiques dont les résultats tardent à se faire sentir

Depuis maintenant plus de dix ans, les rapports s’accumulent pour signaler les difficultés économiques et sociales, l’urgence en termes de logement et de transports… Face aux attentes des Franciliens, les réponses tardent. Les élus se sont pourtant mobilisés : chronologiquement, la ville de Paris a tendu la main à ses voisines dès 2001, la région a mis son schéma directeur en révision en 2003, l’État s’est mis en marche en 2007 en lançant une grande consultation internationale sur l’avenir du grand Paris…

 

Mais après respectivement 12, 10 et 6 ans, les résultats tangibles de ces mobilisations sont longs à émerger. Les collectivités franciliennes se sont regroupées en syndicat « Paris Métropole » mais celui-ci n’a toujours pas de portée opérationnelle ; le SDRIF a été élaboré, voté, annulé, retouché, mais il n’est toujours pas entériné ; l’État réévalue, quant à lui, sa façon de s’impliquer. Confrontée à un contexte local et international complexe, la métropole est à la croisée des chemins.

Des modèles urbains et politiques différents qui finissent par converger

Des pistes ont été ouvertes au cours des dernières années, obéissant à des lectures de la métropole parisienne très différentes les unes des autres. Trois modèles métropolitains difficiles à concilier ont ainsi été énoncés :

  1. la région capitale proposée par l’État faite de clusters économiques connectés à la planète et reliés entre eux par un métro automatique ;
  2. la région durable imaginée par le conseil régional, conçue autour de grands faisceaux drainant les périphéries ;
  3. la métropole démultipliée et localisée portée par Paris Métropole misant sur les initiatives locales pour faciliter le fourmillement de projets.

En pratique, une convergence s’amorce. Le compromis entre le métro du Grand Paris et Arc Express, dans le cadre d’un grand débat public, est symbolique de ce rapprochement. Le même mouvement s’observe instrument par instrument et territoire par territoire. Conçus pour permettre l’aménagement des clusters situés autour des quelques gares du métro du Grand Paris, les contrats de développement territorial (CDT) institués par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris étaient initialement des outils de développement foncier, immobilier et économique.

 

Généralisés à la plupart des territoires franciliens, ils sont désormais investis par les acteurs locaux et apparaissent comme des vecteurs utiles pour contractualiser des projets de territoires inscrits dans une perspective métropolitaine.

 

La nouvelle mouture du SDRIF, quant à elle, identifie plus précisément des polarités intérieures dans la région autour notamment du Grand Paris Express, des projets du plan de mobilisation et des CDT.

 

Plusieurs modèles d’action publique se concurrencent également :

  1. Dans la droite ligne d’une tradition d’aménagement de la région Île-de-France pilotée par l’administration et les grandes entreprises publiques, le conseil régional avait engagé l’élaboration et la négociation des orientations techniques avec les différentes agences et institutions régionales et départementales pour réviser le SDRIF.
  2. En parallèle, l’affirmation des territoires a pris de l’ampleur. Parce qu’ils craignaient un renforcement des intercommunalités, ou par conviction que leur territoire gagnerait à s’inscrire dans la métropole plutôt qu’à chercher à exister seul, les maires de l’agglomération parisienne se sont mobilisés. Un modèle de construction coopérative de la métropole s’est ainsi affirmé.
  3. Ces travaux ont été bousculés par les coups de boutoir d’un État surplombant, mi‑bâtisseur mi‑agitateur et s’ingérant partout. Mais cet activisme étatique a aussi eu des bienfaits : en déstabilisant le système régional et métropolitain, il a forcé certains acteurs tentés par l’attentisme à se mettre en mouvement. Il a aussi puissamment installé la question du Grand Paris dans le débat public.

Le résultat de cette situation est que, plusieurs années après, les légitimités métropolitaines, régionales et étatiques peinent toujours à trouver leur place respective. Tantôt perçues comme complémentaires, tantôt vécues et organisées comme concurrentes, elles sont devenues au fil du temps un des principaux obstacles à la reconnaissance politique du Grand Paris.

Une métropole durable, solidaire et démocratique ?

L’élection présidentielle de 2012 a modifié la stratégie de l’État et redistribué les cartes. La priorité est désormais institutionnelle et le gouvernement a annoncé vouloir faire confiance aux acteurs locaux pour définir les grands axes de la réforme. La métropole parisienne doit faire l’objet d’un chapitre spécifique annoncé dans la prochaine loi de décentralisation.

 

Les différentes conceptions de la réforme institutionnelle visant la région capitale convergent progressivement autour de l’idée qu’il faut à la fois réserver une place importante aux initiatives territoriales et permettre une efficacité des politiques publiques à l’échelle régionale.

 

De nombreuses questions restent toutefois ouvertes.

 

Elles sont d’abord d’ordre technique : l’intercommunalité sera-t-elle généralisée en Île-de-France aux communes de première couronne ? Un pôle métropolitain ou une grande intercommunalité sont-ils envisageables à l’échelle de l’agglomération, et quelle serait la place du périurbain dans cette organisation ? La politique de logement doit-elle être confiée à la région, à un pôle métropolitain, aux CDT, à des intercommunalités renforcées, ou laissée aux communes ?

 

Il y a également une question pratique. L’idée d’une réforme par étapes s’installe, qui permettrait à la fois d’expérimenter différentes solutions et d’adapter progressivement les institutions à ces nouveaux rôles, notamment pour la politique du logement. L’enjeu est de savoir si, dans cette configuration complexe, les prochains mois valideront un simple arrangement institutionnel ou si la loi permettra, au contraire, de commencer l’expérimentation de nouvelles politiques coopératives.

 

Reste enfin en suspens une question centrale, la construction de la métropole parisienne comme un espace démocratique et politique. La complexité institutionnelle de la région parisienne produit un territoire dans lequel les citoyens sont particulièrement coupés des décisions. Même si les frontières régionales correspondent sensiblement aux contours de l’aire urbaine, et malgré l’investissement des maires dans la construction métropolitaine, il n’y a pas, pour l’heure, de véritable débat politique et citoyen sur les enjeux, les orientations et les priorités de ce grand territoire métropolitain. Alors que la métropole exclut de plus en plus, la place des habitants, notamment ceux des quartiers-ghettos et des marges, est en question.

 

Si, depuis dix ans, les questions posées par la situation francilienne sont restées sans réponse, c’est précisément parce qu’elles ouvrent, en filigrane, deux débats éminemment politiques. D’abord, à travers la région capitale et son articulation aux grandes villes de province, c’est l’ensemble du modèle métropolitain national qui est en discussion. Ensuite, en revendiquant une métropole singulière par sa construction démocratique et ses objectifs politiques plaçant l’égalité au cœur du projet métropolitain, le grand Paris interpelle directement la façon dont Paris et la France s’inscrivent dans la mondialisation.

 

 

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