Quand la Cour des Comptes démonte la communication gouvernementale
Elle a fini par le livrer.
Jeudi 17 février, avec 9 jours de retard, la cour des comptes a dévoilé
son rapport annuel sur l'exercice 2011. Quarante-huit heures avant sa
prestation télévisée sur TF1, Nicolas Sarkozy avait fait annuler cette
présentation. Il craignait qu'elle ne pollue son exercice médiatique. Le gros
volet du rapport concerne les finances publiques.
Le langage est toujours très administratif, les constats factuels. Jamais
un mot de trop, jamais une opinion. Mais le bilan est là, mauvais.
La communication de Nicolas Sarkozy sur sa gestion budgétaire est
démontée point par point.
Déficit aggravé en 2010
En 2010, le déficit budgétaire s'est aggravé. Au
gouvernement, on avance que c'est la faute à la crise, «la plus grave depuis
un siècle», comme Nicolas Sarkozy l'a répété de nombreuses fois ces
dernières semaines pendant sa tournée des voeux. Mais la cour des comptes
ne se laisse pas abuser. Elle mesure le déficit structurel, c'est-à-dire
hors effets de la crise et du plan de relance. Et bien, mauvaise nouvelle pour
le gouvernement : le déficit budgétaire structurel s'est également aggravé en
2010.
La cour des comptes souligne d'abord les
erreurs de prévisions du gouvernement, non pas avant la crise, mais après
la crise : les pertes de recettes induites par la crise ont été «
insuffisamment anticipées par la loi de programmation du 9 février 2009 pour
les années 2009 à 2012 ». Sarkozy aime toujours répéter que le
gouvernement a vu fondre ses recettes fiscales à l'automne 2008 et qu'il a su
réagir mieux que ses partenaires occidentaux. C'est faux. Sa loi de finances
rectificatif en février 2009, 9 mois après le déclenchement de la crise était
toujours exagérément optimiste. Pour 2011, re-belotte : les prévisions de
croissance retenues par le gouvernement fin 2010 pour 2011 sont toujours trop
optimistes : « Pour l’année 2011, les estimations sont comprises entre
1,1% (FMI) et 1,4% (OCDE et Commission européenne) pour les organisations
internationales ; elles sont de 0,9% pour la banque de France et 1,8% pour le gouvernement. »
Notons d'ailleurs que le « gros » 1,6% de croissance tant attendu pour
2010 ne s'est pas matérialisé. En
septembre dernier, Christine Lagarde s'écriait : « Sur la prévision de
croissance à 2% l'année prochaine, on est vraiment relativement confiant. »
Vraiment ?
Le gouvernement a également mal maîtrisé
l'évolution des dépenses publiques en 2010, « hors effets de la crise,
plan de relance et autres opérations exceptionnelles », précise la cour :
« La croissance des dépenses publiques en 2010 a
La cour s'étonne même que le gouvernement n'ait pas
profité de la baisse des taux d'intérêts pour réduire le déficit budgétaire
(2,2 milliards d'euros d'agios en moins !). Le « plan de relance »
sarkozyen a finalement été relativement modeste : 1 % du produit intérieur brut
en 2009 (dont 0,6% de mesures fiscales) et 0,3 % en 2010. Et malgré une
maîtrise insuffisante des dépenses, le gouvernement a quand même réduit les
impôts de 6,5 milliards d'euros (compensation de la taxe professionnelle
incluse), aggravant le déficit structurel de 0,3% du produit intérieur brut.
Près de la moitié de cette perte fiscale concerne la réduction de TVA pour la
restauration.
Au final, la cour s'inquiète : « Le déficit
structurel (hors plan de relance) ayant à nouveau augmenté en 2010, il est
encore plus nécessaire de réaliser un effort structurel de réduction de ce
déficit d’au moins 20 Md€ (1,0 % du produit intérieur brut) par an à partir de
2011. »
Rigueur insuffisante pour 2011
Qu'en est-il donc pour 2011? La cour des comptes
critique les belles promesses gouvernementales de réduction des déficits.
Première arnaque, les hausses d'impôts votées (11 milliards en 2011, 3
milliards par an ensuite) apparaissent insuffisantes pour réduire les déficits
comme prévu sur la période 2011-2013. Au passage, la cour des comptes appelle
un chat un chat. La réduction des niches fiscales est une hausse d'impôts. Sur
les 11 milliards de réduction de niches en 2011, la cour note que 3 milliards
sont soit exceptionnelles (taxation de la réserve de capitalisation des
sociétés d’assurance) ou « consistent à avancer le recouvrement de certaines
contributions (sur les contrats d’assurance vie) ».
Les véritables hausses pérennes ne représentent
que 0,4% du produit intérieur brut. Dans son second chapitre, la Cour
Comme d'autres observateurs, la cour note aussi
la tartufferie gouvernementale en matière de réduction des dépenses. En
septembre dernier, François Baroin et Christine Lagarde avaient qualifié
l'effort de rigueur d'historique. Il fallait rassurer les marchés. En fait,
l'essentiel des réductions n'était que la non-reconduction de dépenses … non reconductibles
! « La disparition des mesures de relance contribue à réduire les
dépenses pour 0,4%, le contrecoup de la comptabilisation de dépenses militaires
exceptionnelles en 2010 pour 0,4% et la baisse des dépenses d’indemnisation du
chômage pour 0,1%. »
Sur les véritables mesures de réduction de
dépenses avancées par le gouvernement, 8 milliards d'euros, sur les 13 promis
en 2011, sont mal identifiés ou mal estimés :
- L'impact
du grand emprunt (35 milliards d'euros) n'a pas été chiffré dans
l'évolution des dépenses publiques. Il va peser pour 2 milliards d'euros
par an, « et sur une longue période », dans les comptes
des administrations à fur et à mesure de leur réalisation.
- Le
gouvernement surévalue les économies générées par le non-remplacement d'un
fonctionnaire partant à la retraite sur deux : officiellement, 800
millions d'euros par an, moins 400 millions d'euros de « revalorisation »
des fonctionnaires. Or, note la cour, le coût de réorganisation des
services « a été plus proche de 700 M€ que des 430 M€ prévus
initialement », et le nombre de départs en retraite s'est
ralenti. « Sur la base des résultats de 2009, l’économie nette à
attendre des réductions d’effectifs serait donc de l’ordre de 100 à 200
M€ en 2011, mais elle pourrait en réalité être encore plus faible. »
- Sur
la fameuse « diminution de 5% des dépenses de fonctionnement »
si chère à François
Baroin-la-rigueur, la cour rappelle qu'elle ne porte que sur un total
d’environ 10 milliards d'euros. Et des dépenses nouvelles (« par
exemple pour améliorer le fonctionnement de la justice ou assurer les
présidences des G8 et G20 ») ont réduit l'économie nette à 200
M€.
- La
cour juge enfin le chiffrage à 2,4 milliards d'euros d'économies sur les
remboursements d'assurance maladie « peu précis et peu fiable.»
Pour les années ultérieures, la Cour
Au final, la description de nos finances
publiques d'après crise (puisque, rappelons-le, nous sommes sortis de
récession), est terrifiante. Une immense remise à plat attend le prochain
gouvernement, à l'issue des élections de 2012. D'ici là, Nicolas Sarkozy
continue son agitation inconséquente, de son refus de toute hausse d'impôts sur
les plus riches à la suppression de l'impôt sur la fortune. Il nous laissera un
pays en ruines. C'était écrit en 2007.
Et
si en 2012, il ne se représentait pas ?
Ami sarkozyste, compte tes sous.