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FOLIO DU BLANC-MESNIL
11 septembre 2010

Refonder le système de répartition en tenant compte de la hausse du nombre de retraités

Par BERNARD THIBAULT Secrétaire général de la CGT - Tribune publiée dans Libération

Le gouvernement prétend décider en six petites semaines, avec un débat parlementaire verrouillé, de l’avenir de notre système de retraite pour plusieurs décennies. Voilà la solidarité intergénérationnelle ramenée à une équation comptable qu’il faudrait résoudre dans l’urgence ! Un tel calendrier, qui ne laisse place à aucune négociation réelle, est d’autant plus inacceptable que la réforme élaborée dans le huis clos des cabinets ministériels doit être contestée sur le fond. Tel est le sens des mobilisations que nous avons construites dans l’unité et que nous poursuivrons.

La réforme voulue par le gouvernement est d’une dureté sans précédent. Contrairement à ce qui est affiché dans les attendus du projet de loi l’horizon n’est même pas 2018. C’est dès 2016 que les salariés, en emploi ou pas, qui escomptaient partir à 60 ans à la retraite, devront attendre deux ans. Comme nous en avons fait la démonstration, la brutalité du processus que le gouvernement prévoit de mettre en œuvre sur six années, n’a pas d’équivalent dans les autres pays européens. Les auteurs du projet, enfermés dans leur approche financière, cédant à la pression des banques et des agences de notation, ne semblent pas comprendre qu’ils sont en train de porter atteinte, avec une rare violence, à ce qui est considéré par une majorité de salariés comme une liberté chèrement acquise.

La réforme revient en effet sur ce qui est plus qu’un acquis social. L’abaissement de l’âge de la retraite de 65 à 60 ans depuis 1982 est vécu, non comme un simple acquis parmi d’autres, mais comme un véritable tournant social et sociétal. Le passage à 60 ans, combiné à une amélioration de l’état de santé, a été la reconnaissance, pour la majorité des ouvriers et des employés, d’un droit à une période conséquente de retraite en bonne santé, comme les autres catégories sociales. Le salarié de la sidérurgie, le travailleur posté, l’ouvrier de l’industrie chimique, le travailleur de la construction, tous ont pu enfin considérer qu’ils allaient bénéficier pleinement d’une retraite méritée. Mais on est encore loin de l’égalité : un ouvrier a aujourd’hui une espérance de vie à la retraite en bonne santé, à 60 ans, de moins de neuf ans soit la moitié moindre de celle d’un cadre supérieur. Si la réforme passe, c’est cette injustice que l’on va aggraver !

Ce projet gouvernemental ne garantit en rien l’avenir du système de retraite. On peut bien sûr s’interroger sur la validité des hypothèses d’emploi et de croissance économique retenues en fonction de la politique économique d’austérité adoptée en Europe. Même en supposant que la croissance soit supérieure à 2%, il sera impossible d’atteindre, avec le recul de l’âge de la retraite, l’objectif d’équilibre des régimes. Il faudrait créer d’ici là, année où la génération née en 1956 sera condamnée à attendre 62 ans pour partir à la retraite, près de 2,5 millions d’emplois. Cela supposerait de créer 300 000 emplois nets par an, c’est-à-dire trois fois plus que dans les scénarios optimistes du Conseil d’orientation des retraites (COR). Des centaines de milliers de jeunes, de seniors, de femmes vont se retrouver au chômage. Les besoins de financement des retraites seront seulement déplacés vers d’autres comptes sociaux.

Le niveau de vie des retraités comme des salariés ne dépendra pas de la Bourse ou des marchés financiers mais de la capacité collective à créer plus de richesses et à mieux les répartir au service des besoins individuels et collectifs. Il faut donc, comme cela a été fait en 1945, refonder le système de répartition pour le siècle à venir en lui octroyant les moyens correspondant à l’augmentation du nombre de retraités et en prenant en compte ce qu’est aujourd’hui la carrière réelle de la majorité des salariés.

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