Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
FOLIO DU BLANC-MESNIL
24 mai 2010

Emmanuel Todd : « Le débat n'a aucun sens »

Emmanuel Todd était récemment  de passage à Lyon 
 / Stéphane Guiochon

zoom

Emmanuel Todd était récemment de passage à Lyon / Stéphane Guiochon

Le gouvernement veut donner l'impression qu'il affronte la réalité sur les retraites, la vérité est qu'il fuit la réalité

Comme anthropologue et démographe, comment voyez-vous le débat des retraites ?

Ce n'est pas la priorité. Il est légitime de se poser la question de savoir s'il faut travailler plus longtemps en relation avec l'espérance de vie, et je suis évidemment pour défendre les retraites. Mais c'est un problème de long terme, alors que nous vivons une crise majeure de court terme. Un économiste venu de Mars ne comprendrait pas que la planète France débatte de la manière d'augmenter la durée du travail dans l'avenir pour des personnes ayant déjà un certain âge, alors qu'on ne parvient pas à donner aujourd'hui du travail aux jeunes. En termes d'économie immédiate, la question des retraites n'a aucun sens. Le gouvernement veut donner l'impression qu'il affronte la réalité, la vérité est qu'il fuit la réalité.

Comment l'expliquez-vous ?

Nos sociétés développées sont globalement très riches, très éduquées et âgées. L'âge médian (qui partage la population en deux moitiés) est d'environ 40 ans en France, de 44 ans en Allemagne et au Japon. Si vous enlevez tous les enfants et adolescents qui n'ont pas le droit de vote, vous obtenez un âge médian pour l'électorat qui est encore beaucoup plus élevé… Je précise aussitôt qu'avec mes 59 ans, je fais partie de la masse centrale de ces « croulants ». Nos sociétés ont donc des préoccupations de gens âgés, qui approchent de la retraite.

Et pourquoi serait-ce grave ?

Le vrai problème de la France, c'est la disparition de notre industrie, les délocalisations d'entreprises, la stagnation du niveau de vie. A terme, si nous ne faisons rien, notre société est menacée d'appauvrissement, ce qui remettrait complètement en question toutes les décisions qu'on prépare sur les retraites. Dans ce décalage temporel, ce qui me choque le plus, c'est la place épouvantable qui est faite aux jeunes : ils ont en général un niveau d'études beaucoup plus élevé que les générations précédentes, et ils sont maltraités en termes d'emploi et de salaire. Or je suis désolé d'être obligé de le rappeler : l'avenir d'une société, ce sont ses jeunes, pas ses vieux !

Vous cultivez le jeunisme ?

Je n'ai pas de passion particulière pour les jeunes, je trouve les enfants extraordinaires, mais les adolescents sont fatigants - et je sais de quoi je parle. Non, je parle en historien. J'aime bien mon pays, j'ai envie que son histoire continue, et cette histoire sera faite demain par les jeunes d'aujourd'hui. Quant à moi, j'ai reçu ma première évaluation de retraite et ça fait très plaisir. Mais revenons à la métaphysique des retraites. La crise économique crée une tension très dure sur le marché du travail, et la vie professionnelle est vécue comme une jungle dont on n'a qu'une envie, c'est de sortir le plus vite possible. Le débat sur les retraites traduit cela : les gens s'intéressent plus à l'après-vie professionnelle, comme un refuge à atteindre, qu'à leur travail, qui leur est devenu insupportable. Les premières victimes de la crise sont les ouvriers, qui sont en train de disparaître avec notre industrie, et l'on va d'ailleurs se rendre compte que ce sont les ouvriers qui étaient les véritables créateurs de la richesse du pays. Jusqu'à il y a quelques années, ces ouvriers faisaient grève pour protéger leur outil de travail. Maintenant, ils se battent pour négocier leurs conditions de départ. Leur attitude est très analogue à celle des dirigeants d'entreprise qui essaient de s'en mettre plein les poches, à coups de stock-options ou autres, avant de se faire éjecter… C'est une ambiance d'Apocalypse Now, d'après moi le déluge.

La crise actuelle n'est-elle qu'une crise de plus ?

Je vois deux phénomènes nouveaux. En Europe, un effet de dislocation selon le degré de résistance des pays et de leur économie.Et une sorte d'amnésie chez nos gouvernants qui, après avoir bien réagi dans une première phase en comprenant que la crise était un problème de demande, sont en train de changer de pied et d'imposer l'austérité. Tout cela sous la houlette de l'Allemagne, dont la société est la plus âgée d'Europe, alors que la France conserve une bonne démographie.

L'euro est mort ?

Oui, si l'Europe n'est pas capable de sortir de la crise par le haut, par la mise en place d'un protectionnisme au niveau du continent. Mais comme c'est très difficile, le plus probable est la disparition de l'euro, de manière ordonnée ou dans la pagaille.La première victime en serait l'Allemagne, mais on voit se reproduire l'attitude habituelle des dirigeants français : on se rebelle, car on voit bien que nos intérêts ne sont pas les mêmes, et puis on finit par se coucher. Ce qu'ils ne voient pas, c'est que nous sommes dans une crise sans fin, dont on ne sortira qu'en changeant de logiciel, en prenant la voie du protectionnisme européen.

Actuellement, vous travaillez sur quoi ?

Je suis en train d'achever le Tome I de mon ouvrage sur les systèmes familiaux, consacré à l'Eurasie. Je propose une hypothèse expliquant pourquoi certains systèmes familiaux portent en eux certains systèmes politiques, comment ils se transmettent…

Cela rend optimiste ?

Ce qui me rend optimiste, c'est le bon côté de la mondialisation : un monde qui s'alphabétise, sur fond de baisse générale de la fécondité… Les crises actuelles sont très dures, je ne minimise pas les souffrances qu'elles provoquent, mais ce sont des crises de transition. La tendance de fond est aux grandes retrouvailles de l'humanité.

Recueilli par Francis Brochet

Parcours

Emmanuel Todd Né le 16 mai 1951, fils du journaliste et essayiste Olivier Todd, petit-fils de l'écrivain Paul Nizan > Anthropologue, démographe à l'Institut national d'études démographiques (INED)
> Dernier ouvrage : « Après la démocratie » (Gallimard) > Autres ouvrages : « L'illusion économique », « Après l'Empire », « Le rendez-vous des civilisations »...

Publicité
Publicité
Commentaires
D
Retraites : mettre fin aux faux débats !<br /> <br /> Nous ne devons pas céder au chantage injuste à la dette !<br /> <br /> 1)La dette de la France est injuste, elle n'est pas le résultat de trop de santé, trop de services publiques, trop de fonctionnaires, trop de retraites... Mais elle est bien le résultat de la destruction de l'économie physique, et le pillage des établissements bancaires avec de lourds intérêts composés sur la dette depuis la fin du crédit public productif de la Banque de France. La loi Giscard Pompidou du 3 janvier 1973 puis le traité de Maastrich interdit au gouvernement d'émettre de la monnaie et oblige de fait de s'endetter avec des taux d'intérêt aux banques privés !<br /> <br /> Chaque jour nous subissons un bourrage de crane qui appelle les citoyens au bon sens avec de mensonges patentés, comment garder une retraite à taux plein si la population vieillie etc etc !<br /> <br /> Nous devons sortir de la mentalité monétaire, la mentalité calculette, c'est bien la peine de faire de si grande étude pour apprendre à faire des divisions. Nous devons apprendre les principes de l'économie physique.<br /> <br /> 1)Une économie à taux plein d'emploi sans chômage ! Et oui c'est minimum avant de parler de rallonger le temps de travail !<br /> 2)Un retour à l'économie productive, et non une économie de financier et de commerce ! Une économie productive peut permettre de redistribuer les vrais fruits de la croissance physique. L'argent n'est pas un richesse, personne ne vit en mangeant des billets. <br /> <br /> Ceci suppose de sortir de la logique de pillage de notre système actuelle.<br /> <br /> La force publique et nos responsables politiques doivent reprendre la main sur les intérêts financiers, nous devons remettre en place la loi Glass Steagall à la Française afin de séparer les banques par activités. Les banques de dépôts séparer des banques d'affaire et des compagnie d'assurance afin de remettre les banques à leurs place, travailler pour faire vivre l'économie physique et non jouer l'argent dans la spéculation et les casinos financiers.<br /> <br /> Citoyens, nous devons nous organiser pour mettre en place une alternative. Vous voulez vous battre pour connaître les agissements des intérêts bancaires et financiers alors rejoins moi sur facebook : http://www.facebook.com/group.php?gid=104166076293247&ref=ts<br /> <br /> David CABAS<br /> http://david.cabas.over-blog.fr
Répondre
FOLIO DU BLANC-MESNIL
Publicité
Archives
Newsletter
FOLIO DU BLANC-MESNIL
Publicité