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FOLIO DU BLANC-MESNIL
21 août 2009

Réforme des collectivités territoriales, un projet recentralisateur et dangereux, par Martin Malvy

L'avant-projet de loi relatif aux collectivités est maintenant connu. Le débat politique et l'attention médiatique se focaliseront très certainement sur le remplacement des conseillers généraux et des conseillers régionaux par des "conseillers territoriaux", invention que nous devons, dit-on, au président de la République et qui offrirait cette particularité d'instituer, non pas le cumul des mandats, mais celui des fonctions.

L'argument utilisé maintenant d'une ressemblance avec le scrutin défendu il y a bien longtemps par un ancien collaborateur de Vincent Auriol est d'autant plus fallacieux qu'Etienne Weill-Raynal n'est jamais parvenu à l'imposer à ses propres amis. Les arrière-pensées partisanes sont transparentes, surtout si, comme cela court dans les antichambres du pouvoir, le scrutin devait être à un tour seulement.

La tradition française étant celle du regroupement de la gauche au second tour, la droite espérerait s'offrir les pouvoirs locaux avec, pourquoi pas, 30 % des voix seulement. Il n'y aurait plus qu'à modifier le scrutin législatif dans le même sens et, le bipartisme n'étant pas pour demain, la droite s'octroierait un certificat de longévité à bon compte. Attention : une réforme peut en cacher une autre.

Au-delà, ce projet, qui vise à confondre régions et départements, couplé à une réforme de la fiscalité locale menottant les deux, conduirait, s'il était mis en oeuvre, à l'affaiblissement des régions, sans renforcer évidemment pour autant les conseils généraux. Le scrutin territorialisé au niveau de gros cantons, l'assemblage d'élus qui n'en seraient pas - responsables, mais dont les motivations seraient d'abord celles de leur propre territoire - ne déboucheront jamais sur une véritable approche régionale des politiques à mener.

Affaiblissement des collectivités locales et, dans la foulée, recentralisation des pouvoirs. Ce projet est dangereux. Il remet en cause des acquis de vingt-cinq ans de décentralisation au moment même où la préférence va aux régions pour construire notre devenir. Erreur historique.

L'achèvement de la carte intercommunale - qui figure au second rang des priorités du gouvernement -, sa mise en cohérence et sa nécessaire démocratisation sont des objectifs partagés par l'immense majorité des élus et de leurs organisations représentatives.

Nous avons même souhaité que le chantier aille plus vite que ce qui est prévu dans l'avant-projet de loi. En l'état actuel du texte cependant, les conditions dans lesquelles l'achèvement de la carte intercommunale est envisagé n'échappent pas à une évidente préoccupation d'affirmation de la prééminence de l'Etat.

Les pouvoirs dont disposerait le préfet, au détriment de ceux que conserveraient les élus locaux, sont contraires à la libre administration des collectivités locales. Pendant l'année 2012, les conseils municipaux seraient appelés à se prononcer sur le projet de création ou de modification du périmètre de l'intercommunalité les concernant, à la majorité qualifiée. Mais en 2013, si cette majorité n'était pas réunie, le préfet pourrait passer outre le veto démocratique et imposer la version de l'Etat. A quoi auraient servi, dans ces conditions, les délibérations communales ? Un "oui" volontaire en 2012, un "oui" imposé en 2013.

Pour être un partisan déterminé de l'intercommunalité, je ne serai pas le seul à contester cette intervention autoritaire dont on voit bien, à constater la manière dont ont été découpées les circonscriptions électorales pour les prochaines législatives, qu'elle pourrait ne pas être neutre. Qu'il faille clarifier les compétences des régions et des départements, nous le réclamons depuis longtemps. Qu'il soit nécessaire de renforcer les intercommunalités, oui également. Mais les arrière-pensées politiques qui inspirent ce projet et la méconnaissance des problèmes que doivent régler les collectivités locales doivent être dénoncées si l'on veut éviter un nouveau rendez-vous manqué de la décentralisation. Manqué et à risques, y compris économiques en ces temps de crise.

Le troisième point qui doit être mis en exergue concerne l'exigence qui serait faite aux communes ou communautés de plus de 2 000 habitants de financer à 50% leurs équipements pour pouvoir bénéficier d'une subvention de la région ou du département. Quand on sait que les collectivités locales financent 73% des investissements publics, on voit ce que cette contrainte pourrait avoir de conséquences sur le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Il faut être singulièrement ignorant pour imaginer qu'une commune ou une communauté de 10 000 habitants pourrait financer à 50 % le centre culturel qu'elle doit dimensionner pour 20 000 ou 30 000, qu'une commune touristique de 1 500 habitants pourrait assumer la moitié du financement d'un centre de thermoludisme nécessaire au développement de sa station de ski, ou même qu'une métropole réalisant un parc des expositions à vocation internationale devrait, pour être accompagnée, consentir à assumer la moitié du coût, alors que son intérêt serait, par définition, départemental et régional. Des milliers de projets échoueraient chaque année si cette proposition devait devenir la règle.

Réformer ! Ce projet, s'il va jusqu'au bout, chamboulera des mécanismes institutionnels qui ont besoin d'être adaptés. Mais la preuve en est faite chaque jour : ils ne fonctionnent pas aussi mal que d'aucuns voudraient le faire croire. En tout cas, bien moins mal que si ce projet venait à être adopté en l'état.


Martin Malvy est ancien ministre, président de la région Midi-Pyrénées.

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